
« Evidemment que l’art n’a pas de sexe. Mais les artistes, femmes et hommes, en ont un. » (Lucy R. Lippard)
Directrice de la Collection Verbund à Vienne (Autriche), présentée dans les plus grands musées européens, Gabriele Schor a conçu pour Delpire & Co le catalogue magistral (495 photographies, 472 pages), Une avant-garde féministe, Photographies et performances des années 1970, ouvrage présentant les travaux de 64 femmes artistes internationales selon cinq thématiques : Femmes au foyer, mère, épouse / Enfermement-émancipation / Dictat de la beauté-corps féminin / Sexualité féminine / Identité-jeu de rôle.
Se dégageant des représentations dominantes portées par les hommes, ces artistes pionnières – texte introductif de nature historique passionnant et biographies en fin de volume – ont repris, esthétiquement et politiquement, le pouvoir sur leur corps, leurs fantasmes, leur imagination.
Il y a des stars, et nombre d’artistes moins connues, c’est parfait : Valie Export, Sonia Andrade, Martha Rosler, Francesca Woodman, Elaine Shemilt, Brigitte Roth, Margot Pilz, Ewa Partum, Ana Mendieta, Martha Wilson…

©The Woodman Family Foundation, New Yorl / Artists Rights Society (ARS), New York, 2022 / ADAGP, Paris, 2022 / VERBUND COLLECTION, Vienna
« Au cours de ces deux dernières décennies, précise Gabriele Schor, le mouvement artistique féministe a fait l’objet d’importantes recherches historiques, qui se sont accompagnées de publications très documentées et d’expositions d’envergure. L’un des jalons de cette avancée est l’exposition WACK ! Art and the Feminist Revolution, qui a parcouru les Etats-Unis de 2007 à 2009, avec quelque cinq cents œuvres de cent dix-neuf artistes femmes. »
Un champ de recherches s’est alors ouvert, qui ne cesse de s’élargir, de s’approfondir, de s’affiner.
Gabriele Schor rappelle par exemple la création en 1975, par la Française Xavière Gauthier, de la revue littéraire, artistique et féministe Sorcières. Les femmes vivent, publiée jusqu’en 1982.
Ce que l’on considérait comme le domaine privé devient un enjeu politique, nombre de femmes luttant alors ensemble contre les dominations et les discriminations, remettant en question les diktats hérités de la structure patriarcale.

©Natalia LL / Courtesy Lokal_30, Warsaw / VERBUND COLLECTION, Vienna
Il n’est pas possible ici de présenter l’ensemble des artistes participant à cette avant-garde internationale réunie par Gabriele Schor – la plupart des femmes sont cependant occidentales et blanches -, mais piocher, choisir à l’instinct, revenir sur ses pas, s’étonner, s’enchanter – avant d’aller voir à Arles l’exposition dédiée.
Il y a des œuvres drôles, provocatrices, violentes, enragées.
Les images sont montrées, rubriquées, le nom des artistes n’est pas donné d’emblée mais en fin de chapitre, le choix est pertinent.
L’ego n’est pas le plus important, mais le mouvement d’ensemble, le flux, l’énergie émancipatrice.
Souvent nu, le corps féminin impose sa présence, franche, très belle, sans concession.
Des femmes sont muselées, ficelées, emprisonnées : la nécessité première est de sortir de la cage, du cadre, de la boite, et de vivre en toute liberté qui l’on est.

Libre usage de son sexe, de son corps, de ses désirs, de ses fantaisies.
Par sa richesse iconographique, l’étendue des travaux exposés, Une avant-garde féministe est une excellente nouvelle pour les femmes, et le juste équilibre des rapports entre les êtres.

Gabriele Schor, Une avant-garde féministe, Photographies et performances des années 1970 de la collection Verbund (Vienne), texte Gabriele Schor, assistantes d’édition Christina Kastner, Mara Metzmacher, biographie des artistes Theresa Dann, iconographie Mara Metzmacher, Delpire & Co, 2022, 472 pages
https://delpireandco.com/auteur/gabriele-schor/

Exposition éponyme aux Rencontres d’Arles, commissariat Gabriele Schor, du 4 juillet au 25 septembre 2022