
©Jill Hartley
« En voyant ces visages tellement expressifs, sans masque, j’avais l’impression de trouver à chaque coin de rue un petit théâtre. Ce qui me paraissait dramatique, c’était la tension ambiante, la défiance s’exprimant à tous les niveaux de la société. » (Jill Harltey)
Poland, de Jill Hartley, est l’un des plus beaux livres injustement méconnus des éditions Créaphis.

©Jill Hartley
Vivant désormais entre la France et le Brésil, l’artiste née en 1950 en Californie photographie au noir et blanc argentique un pays étrange, marquée par l’absurde, à la fois inquiétant et drôle.
Le grain de l’image est une peau très belle laissant passer des soleils sombres, alors que le peuple se débrouille avec la solitude, les luttes d’émancipation – nous sommes à l’époque du mouvement Solidarnosc -, et le soviétisme mortifère.

©Jill Hartley
En Pologne, Jill Hartley renoue avec ses origines européennes, la dureté sociale et le spectre de la mort, mais aussi avec un pays cherchant un chemin entre atavismes culturels et modernité.
On ressent la patte de Josef Koudelka, qui est son compagnon, mais on ne peut pas parler directement d’influence, plutôt d’une communauté de vision.
Poland pourrait être composé de photogrammes d’un film noir, nombre de ses personnages, isolés, marchant seuls, semblant porter le poids du monde dans des espaces urbains hostiles.

©Jill Hartley
L’atmosphère est à la pénurie et à la rudesse, mais aussi à l’élégance et aux hautes valeurs morales.
Jill Hartley tente de saisir l’âme d’un peuple et d’un pays.
Des nappes blanches et des tramways, des belles aux jambes fines et des regards sauvages.
Nous sommes entre 1977 et 1986, l’ère est encore à l’espionnite aiguë.

©Jill Hartley
On achète des chaussures dans la rue, on se faufile dans le trafic avec un cheval étique tirant une carriole.
Des enfants jouent devant un mur de crânes.
Poland est le pays de Tadeusz Kantor, du théâtre et la mort, de la clandestinité et de la franchise corporelle.
Des gisants se relèvent, les zombies sont partout.

©Jill Hartley
Les visages sont fermés, mais brûlent d’un feu intérieur évident, d’une rage, d’une dignité souvent bafouée.
On se rencontre dans des couloirs enténébrés, on se dissimule, on prépare le grand jour du basculement.
Familles nombreuses, pommes de terre, attente.
Fichu, terre boueuse, prières.
La ferveur religieuse est considérable, Judas le traitre ne peut être polonais.

©Jill Hartley
Dieu de miséricorde est aussi Dieu de châtiment, quelque part à l’est de Berlin, à l’ouest de Moscou.
Il y a parfois quelque chose des tableaux de Giorgio de Chirico, une errance métaphysique, même quand il faut aller chercher le pain.
Des oies, des croix, des labours.
Des lunettes noires épaisses, des bâtiments gris, des cafés où se rencontrent des conspirateurs.
De la malice.

©Jill Hartley
C’est Poland de la trop peu célébrée Jill Harltey.

Jill Hartley, Poland, propos recueillis auprès de Jill Hartley par Guillaume Delage, préface Suzanne Sélavy, maquette Pierre Gaudin, Agathe Marine, composition Christophe Reverchon, collection préférence dirigée par Claire Reverchon et Pierre Gaudin, Editions Créaphis, 1995

©Jill Hartley
http://www.editions-creaphis.com/fr/catalogue/view/1146/poland/?of=1
Re-bonjour, J’aimerais mentioner que j’ai 2 autres livres en noir et blanc analogue (Leica) qui sont des portraits des peuples- les mexicains et les cubains :
Lotería fotográfica mexicana, 1985-1994 sorti au Mexique chez Petra Ediciones et Suite Cubana 1998-2003 qui será publié chez Créaphis en France cette année.
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