Identifications d’une femme, par Vincent Ferrané, photographe

©Vincent Ferrané

Voici un livre consacré entièrement au dialogue entre un corps et le soleil dans un huis clos de bois et de draps.

Inner, de Vincent Ferrané, est la contemplation d’une femme aimée, observée comme on étudie dans les académies les poses des modèles.

Dévêtue ou habillée, la protagoniste du livre Milky Way (Libraryman, 2017) n’est plus regardée au moment de l’allaitement, mais dans la repossession de l’entièreté de son être.

©Vincent Ferrané

Tombée d’une main sur un jeans, repos d’un pied fin sur le talon de l’autre laissant percevoir le parcours des veines, douceur d’une peau baignée de lumière.

Le visage n’est jamais entier, toujours un peu caché, dévié, coupé, Inner n’est pas une exhibition, mais un mystère de pudeur offerte.

Comme chez Aristote, le fragment dit le tout, un sein dit le désir et la colonne vertébrale couchée sur le lit la vie d’un squelette en attente de résurrection.

©Vincent Ferrané

Car nous sommes au temps dément du confinement, dans une cage de verre dorée, avec un être se rêvant probablement passe-muraille.

L’œil observe la belle enfermée, le jeu de l’occupation de soi, entre essais de tenues, abandon de tissus et glissements progressifs du désir.

L’objectif est placé près de la peau, il est haptique, substitution de la main par la puissance de révélation mécanique.

©Vincent Ferrané

Comment sortir de là ?

Comment s’en sortir ?

Faudra-t-il encore dormir longtemps ?

Le visage est approché dans son ensommeillement, le corps est en latence, d’une sensualité paraissant sans véritable emploi.

Les caresses sont solitaires, le parquet d’une douceur piégeuse, l’ombre zébrant le corps un amant de trop peu de poids.

Mi-bas troués, instant carnavalesque, mains masquant les seins.

©Vincent Ferrané

Inner est une chorégraphie muette, danse de l’être dans la chaleur d’un printemps de retrouvailles avec soi et d’atonie.

L’art peut faire barrage à la folie, au désespoir, à la délectation morose.

Au sens fort, ce livre est une dispute, conversation continue entre une femme et son regardeur ébloui par tant de grâce.

La tête est à l’envers, il est urgent de ne plus attendre de vivre, le protocole photographique devient un sauf-conduit.

Comme l’écrit joliment Rose Vidal dans le texte imprimé sur feuille libre accompagnant l’ouvrage, « ce passe-temps d’intérieur est un rituel, une répétition en vue de l’inattendu. »