Sète, comme un autoportrait, par Lorenzo Castore, photographe

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© Lorenzo Castore

Il règne dans le volume que Lorenzo Castore consacre à Sète – fameuse collection annuelle imageSingulières – une atmosphère de clandestinité, de mélancolie, de vie brute et de piété sauvage.

L’impression est celle des destins fracturés et des complicités lointaines, comme si l’on naviguait dans un archipel, d’îlot en îlot.

Sète #23 commence par une série de portraits d’anonymes de tous âges rassemblés en mosaïque – nous sommes au cimetière marin rendu célèbre par Paul Valéry, dans l’évocation favorable, à l’orée de l’ouvrage, des mânes des défunts locaux, comme le fait le vieil Homère lorsqu’il appelle Mnémosyne au début de L’Iliade.

© Lorenzo Castore

Voici une ville en ses paysages, voici une mémoire griffée, voici des disparus levés dans la brume du temps.

Les photographies peu à peu s’effacent jusqu’à devenir poussières d’êtres, veines de marbres, miroirs brisés.

Il se pourrait bien aussi que le portrait personnel du photographe italien, lui-même fantomatique, se trouve dans la nuée des présents-absents.

Quand vit-on vraiment ? Peut-on se fier à sa propre apparence ?

Couverture jaune soleil, cynatotype d’un marin, nous sommes dans le Sud méditerranéen, lumineux, bleu.

Loin du chromo touristique, les images seront en noir & blanc de l’atemporalité, du dessin, de l’épure.

© Lorenzo Castore

Des paysages vides, puis des habitants ; le cadre spatial puis des humains.

Côtes, roches, sable ; main tatouée, silhouette, mobylette.

Mer, ciels, ligne d’horizon ; chat, cigarette, table de salon.

Port, embarcations, structures de carénage ; cuisine, banquette, fauteuil.

Maisons, immeubles, forme d’une ville ; bijou, nudité, doudoune.

Le sentiment d’incommunicabilité et de solitudes juxtaposées est prégant, Lorenzo Castore photographiant le ballet muet des personnages et de la lumière.

Il y a des livres, des objets, des œuvres accrochées aux murs ou sous vitrines, mais il y a d’abord, avant que n’apparaissent les familles et les groupes d’amis, des isolats humains perçus dans une dimension introspective.

Fine ironie d’une mère musulmane entourée de ses enfants, de croix de fer de soutènement sur la façade d’une maison et d’une femme assise en tailleur parmi des figurines de saints.

© Lorenzo Castore

On fait ce que l’on peut dans le travail des jours.

Bistrots, foot, livres d’Histoire.

Des gouttières verticales biscornues ? Des vies déglinguées.

Une Atlante sévère portant un balcon ? Le rappel de la loi.

Des masques d’Halloween et des capuches ? La révolte carnavalesque.

Plaisir solitaire d’une nymphe âgée, exhibition d’un couple cachant son visage derrière des effigies de dieux hindous, confrontation sans heurt du sacré et du profane.

Lorenzo Castore a fait de Sète une ville secrète, intérieure, et d’espaces de solitude.

Bien entendu, c’est un autopotrait.

Extrait d’une lettre du photographe à Christian Caujolle : « Mon tempérament de chat sauvage s’épanouit bien ici. Des montagnes russes intenses et pleines d’énergie, des moments parfois intimes et sensibles, d’autres moins puissants mais qui valent quand même la peine. »

Lorenzo Castore, Sète #23, texte Lorenzo Castore, conseiller éditorial Christian Caujolle, CéTàVOIR / Le Bec en l’air, 2023, 112 pages

https://www.becair.com/produit/sete23-lorenzo-castore/

http://www.lorenzocastore.com/

Le photographe présente son travail du 18 mai au 9 août 2023 à Sète au Centre de photographique documentaire à l’occasion de la 15e édition du festival ImageSingulières (18 mai-11 juin 2023)

Lorenzo Castore est actuellement représenté par Anne Clergue Galerie, Arles ; Galerie S., Paris ; Alessia Paladini Gallery, Milan ; Spot Home Gallery, Naples

https://www.leslibraires.fr/livre/22240202-sete-23-lorenzo-castore-christian-caujolle-bec-en-l-air?affiliate=intervalle

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