
Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
« Il y a un chant de la lumière qui transperce les espaces et traverse les époques. Les étoiles rendent possible l’universalité rupestre des récits : les constellations d’astres n’ont pas d’appartenance ; elles déchirent le ciel pour la Terre entière. La première fois que j’ai parlé avec Juliette Agnel, elle m’a dit, et chacune de ses photographies le confirme : ‘J’insiste sur le stellaire.’ » (Yannick Haenel)
Cette année, les astres sont plus que favorables à Juliette Agnel.

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Lauréate du prix Niépce 2023, l’artiste initiée par Jean Rouch, passée par les mystères dogons et les routes de l’Afrique, est à la fois programmée aux Rencontres d’Arles – série réalisée dans les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure -, et auteure d’une première monographie d’importance, Un autre monde, publiée à cette occasion par Maison CF.
Mais pourquoi Juliette Agnel est-elle une photographe nécessaire ?

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Parce que loin des turpitudes du moment, ou des plates données de la sociologie, son œuvre est une exploration fondamentale de l’inconnaissable nous constituant intimement.
Parce que les confins qu’elle observe, terres extrêmes, ciels constellés ou mondes souterrains, rappellent immédiatement au petit être humain sa véritable dimension, non pas négligeable, et même de puissance – en témoignent les pyramides de Méroé -, mais infime.
Il y a chez elle une nuit originelle de laquelle tout procède, son art étant particulièrement sensible aux divers champs énergétiques traversant les paysages et nous informant.

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Il y a en ses images de la fable, du mythe, une parole de poésie qui est un cri cherchant son murmure depuis l’aube de l’humanité.
Les écoles de mystère nous l’ont appris : il n’y a pas de différence entre le macrocosme et le microcosme, mais une interdépendance, et, mieux que cela encore, un reflet de l’un dans l’autre, une sorte d’identité dans un rapport d’échelle certes sans commune mesure.
La leçon est fractale, la roche sculptée par le temps est bloc de glace dérivant, la pierre levée par l’ingéniosité humaine est mouillure de stalagmite, les poussières d’étoiles sont grains de beauté.

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Chez Juliette Agnel, tout est gemme, sensation d’émerveillement, réalité naturellement augmentée par la magie du traitement photographique.
Le sacré est perceptible, il est même intimidant, invitant au recueillement.
De voyage en voyage (Islande, Groenland, Finistère, Espagne, Soudan, Maroc), de série en série – Les Portes de glace, La lune noire, La grande Montagne, Taharqa et la nuit… -, Juliette Agnel construit sa propre cosmologie à l’unisson des lieux chargés de hautes vibrations.

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure dans l’Yonne, où se trouvent des peintures pariétales datant d’environ 28 000 ans, sont photographiées comme des organismes vivants possédant une vie secrète.
Il faut pour s’en approcher beaucoup de précaution, et surtout de modestie, ne rien brusquer, être à la hauteur d’une main négative – éclairée de rouge – apposée par un enfant il y a des millénaires.
« Dans la grotte, précise Jacques Aumont, Juliette Agnel fait danser les photons pour qu’ils entraînent tout ce qui les attendait là, des langues de calcaire, des volutes de pierre, des fentes magiques : elle donne tout son sens à la main qui est là la Main de l’enfant qui a affirmé sa présence et sa vie. le ciel de Nubie, les portes ambiguës dans l’iceberg disent, tout autrement, la même chose : nous, humains, sommes voués à rencontrer l’invisible, indéfiniment à l’inventer. »

Juliette Agnel – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Bien entendu, le sublime romantique, s’élaborant aux lisières de la terreur, conduit le regard de l’artiste.
Nous sommes d’ici et d’ailleurs, de maintenant et de toujours, de grâce et d’effroi.
Nous ne sommes seuls que parce que nous manquons de foi, que parce que notre ego est une forteresse, que parce que nous ne comprenons pas que la lumière est une donnée spirituelle.
Les photographies de Juliette Agnel ouvrent, déplacent, fortifient.
« Ce que nous nommons Nature, écrit dans Le système de l’idéalisme transcendantal F.W.J. Schelling (traduction Christian Dubois, Allia – parution 22 août 2023), est un poème scellé dans une merveilleuse écriture chiffrée. Pourtant l’énigme pourrait se dévoiler si nous y reconnaissons l’odyssée de l’esprit qui, étrangement abusé, se cherchant lui-même, se fuit lui-même, car à travers le monde sensible s’aperçoit le sens comme au travers de mots seulement, comme à travers une brume à demi-transparente seulement, le pays de la fantaisie où s’en vont nos désirs. »

Juliette Agnel, Un autre monde, textes (français/anglais) Juliette Agnel, Jacques Aumont, Teresa Castro, Yannick Haenel, Marta Ponsa, Maison CF, 2023, 192 pages
https://www.maisoncf.fr/produit/juliette-agnel-unautremonde-i-signe/
https://julietteagnel.com/projets/works
Exposition Juliette Agnel aux Cryptoportiques (Arles) – commissariat Marta Ponsa
https://www.rencontres-arles.com/fr/lieux/view/113/cryptoportiques
Juliette Agnel est représentée par la galerie Clémentine de la Ferronnière (Paris)
https://www.galerieclementinedelaferonniere.fr/fr/artists/juliette-agnel/
