Cézanne, peintre d’absolu, par Charles Juliet, écrivain

Intérieur de forêt, 1904-1906, aquarelle et mine de plomb, 45,5 x 60 cm, Paul Cézanne

« Le combat que Cézanne va mener toute sa vie en lui-même contre la peinture, contre l’incompréhension, commence très tôt, lorsque tout jeune il apprend à son père qu’il veut devenir peintre. » (Charles Juliet)

Pour comprendre Cézanne, il faut peut-être parcourir d’une seule vision toute sa vie de peintre, des portraits et scènes austères aux séries, lyriques, amples, consacrées à la montagne Sainte-Victoire, jusqu’à l’aboutissement merveilleux des aquarelles, où tout semble enfin parfaitement unifié, comme les baigneurs se confondant avec la nature.

N’y avait-il plus qu’à mourir ensuite ? Peut-être, puisque l’on a tout dit et que l’on est allé au bout de soi-même.

A la fin de sa vie, Cézanne était parvenu à l’absolu qu’il cherchait, porté par la pensée de l’unus mundus et de la profondeur des sensations, bien loin de la légende douloureuse colportée par Zola qui s’était cru bon de le portraiturer dans le personnage du peintre Lantier, par ailleurs décrit comme impuissant, tel qu’il apparaît dans L’Œuvre.

« Depuis sa jeunesse, Zola était assoiffé de réussite sociale, tandis que Cézanne aspirait à cette sorte de réussite qui se poursuit dans la solitude et le tête-à-tête avec soi-même. Une réussite qui recule au fur et à mesure qu’on avance. Une réussite impossible à atteindre. »

La réédition en format poche du très beau livre de Charles Juliet, Cézanne, augmenté d’un texte inédit Cézanne, un chercheur d’absolu, permet d’appréhender au plus près la geste de l’artiste installé à Aix-en-Provence.

Pourquoi peindre ? Pourquoi écrire ?

On lui reproche de peindre avec excès, l’académisme et les dévots toujours contrariés ne comprennent pas le feu.

Il faut s’obstiner, être seul contre tous, sauver son âme quand tous la salissent.

L’humble et colossal Pissarro lui donne la direction : peindre d’abord ce qui se déroule en soi au moment de l’observation.

« Parfois, écrit Juliet, l’effort qu’il fait pour absorber ce qui requiert son intérêt est tel qu’il croit que ses yeux vont se mettre à saigner. »

Qu’on imagine Cézanne saigner des yeux.

Quand il se marie avec son modèle, Hortense, son banquier de père diminue de moitié la somme qu’il lui verse mensuellement.

« Ce qui est certain, poursuit l’écrivain, c’est qu’à la mort de ce père à l’écrasante autorité (alors que lui avait déjà 47 ans) il a dû éprouver le sentiment d’une formidable libération. Les mois qui ont suivi ont été marqués par une véritable explosion créative. »

Qu’on imagine Cézanne exploser de joie, en peinture.

Voir juste (sans le filtre des mots) / sentir juste (passivement) / penser juste (trouver les moyens appropriés pour rendre compte de la sensation).

« Cette faim et ce besoin de peindre ne lui laissaient aucun répit. Voilà pourquoi il était un travailleur acharné [Roland Sénéca approuvera]. Dès qu’il arrivait quelque part, il se mettait aussitôt au travail. Si le temps ne lui permettait pas d’aller à l’extérieur, il dessinait ou ébauchait une toile. Ce qu’il vivait quand il peignait était si intense qu’il lui fallait constamment rechercher de tels instants. »

Etre vrai, telle fut selon Charles Juliet, l’ambition la plus haute du peintre, même s’il fallut être seul, incompris, raillé.

L’espace cézannien est le reflet brûlant d’une aventure intérieure authentique.

Charles Juliet, Cézanne, collection #formatpoche, P.O.L, 2023, 82 pages

https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=103

https://www.leslibraires.fr/livre/22245065-cezanne-charles-juliet-p-o-l?affiliate=intervalle

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Natha dit :

    Merci pour ce retour, je vais le lire

    J’aime

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