« Strip-teaseuse. Ecdysiaste pour la haute société. Du grec ecdysis : qui se débarrasse d’une couche extérieure de tégument, comme font serpents ou insectes. Acte naturel de transfiguration. Pure mutation artistique sous nos yeux. » (Marie Baronnet)
Couverture en simili croco fushia, titre imprimé en lettres d’or, voici Legends, the Living Art of Risqué, l’un des livres les plus glamours – et méconnus – d’André Frère Editions.
De format carré, c’est un ouvrage aux pages de papier glacé sur des femmes ayant vécu l’âge d’or du Burlesque américain et du strip-tease – non intégral – à partir des années 1950.
Elles ont, quand Marie Baronnet les photographie, entre 65 et 95 ans.
Ce sont des stars ayant encore envie de jouer, dont l’art de l’effeuillage fait intégralement partie du patrimoine américain, des sortes de trésors vivants à l’aura certes abîmée mais encore puissante.
« En cherchant des strip-teaseuses âgées, confie Marie Baronnet, installée à Los Angeles depuis 2011, j’ai fini par rencontrer des danseuses de cabaret. Leur mépris des strip-teaseuses m’a intriguée. J’ai un faible pour les déclassés, car ils se battent plus dur que d’autres. Des boîtes de striptease jusqu’aux salles de Burlesque, j’ai entamé ma quête et rencontré les « Légendes », ces personnages majeurs de l’art essentiellement américain du strip-tease. Des heures de confidences enregistrées, des séances photo intimes : elles se mettent à nu et, avec une émotion presque palpable, révèlent les secrets de leur existence. Leurs souvenirs font écho à la mémoire de la nation. Les vétérans du Vietnam et les motards sont leurs loyaux chevaliers. »
Legends, the Living Art of Risqué est le portrait d’illusionnistes portant santiags et bas résille.
Une femme pose, seins voluptueux, sur les marches de son pavillon impeccable, près de son teckel et du drapeau américain.
Une autre, très pin-up, s’amuse avec un voilage rouge à proximité de la carlingue avant monstrueuse d’un camion.
Positions alanguies, ongles peints, tenues tigrées.
Fleurs, diadèmes, boas.
Ces femmes assumant avec franchise leur corps sont les reines d’un monde déchu, exhibant avec humour leur poitrine ou leurs cuisses.
Talons hauts, perruques, gaze rose.
Tatouages, bijoux, art de la séduction.
Le monde leur appartient encore, et elles entendent vous le prouver.
Les strip-teaseuses d’antan ne sont pas fatiguées, et fascinent par leur liberté.
Photographiées chez elle, elles font encore le show, yeux de défi, ou de mélancolie.
On pourrait analyser le kitsch américain qu’elles incarnent peut-être, mais est-on certain de ne pas désirer leur art de la provocation et leur érotisme mature ?
L’une s’écrie : « Je me considère comme une féministe, je n’ai jamais été une victime, j’ai tout fait les yeux grands ouverts. Sur scène, je suis une déesse et qu’ils aillent se faire foutre s’ils n’aiment pas mes blagues. »
Une autre : « Ma maman était pasteur. A seize ans, j’ai écrit ma première chanson, Nicotine Weed. Les gens ont cru que j’étais possédée par le diable. On me battait tout le temps. Je voulais juste devenir une rock star. »
Une troisième : « Je suis une reine du Burlesque, je ne me suis jamais trémoussée sur une barre chromée. »
Les danseuses qu’a rencontrées Marie Baronnet sont incontestablement de grandes artistes ayant su électriser un public aux abois par leur créativité sexy.
Marie Baronnet, Legends, the Living Art of Risqué, postface Red Vaughan Tremmel, André Frère Editions, 2014, 192 pages
https://www.andrefrereditions.com/livres/photographie/legends/
La revue Like (numéro 12, printemps 2023) publie un reportage fort et passionnant de Marie Baronnet intitulé A marche forcée, consacré aux migrants du côté Mexicain tentant de passer le mur de la frontière pour atteindre le rêve américain
https://www.touslesjourscurieux.fr/produit/like-la-revue-12
Le blog de Fabien Ribery 