Alger, jeune et vénérable, par Abed Abidat, photographe

©Abed Abidat

Alger est une ville-monde, un territoire aussi beau que déroutant, un astéroïde.

Il est ainsi logique qu’Abed Abidat, qui la connaît si bien, l’appelle, tel un inventeur d’étoiles, Algeroid .

Réalisées avec un appareil de type Polaroid 330 datant de la fin des années 1960, les images de son livre publié en 2018 par Images Plurielles Editions et Editions Barzakh ont cet aspect intemporel des photographies flottant dans la mémoire.

On est bien dans la métropole algérienne, qui, vue de près, ressemble à un village.

Les ferry-boats accostent, mais aussi de petites embarcations.

On se baigne sur le port comme s’il s’agissait d’une crique.

Dans une cour dépavée, incongru d’abord en ce lieu, un billard peint de rouge attend des joueurs.

©Abed Abidat

Abed Abidat nous fait prendre le bus, rencontre des pêcheurs, de jeunes hommes, des passants, des commerçants, se promène un peu partout.

Des divers belvédères ceinturant Alger apparaît la Méditerranée, plus impériale ou magistrale, que tragique. 

Il y a des animaux, brebis, chimpanzé, chats, pigeons, poulpe, chiens.

Les visages sont souvent graves, il y a de l’attente dans l’air, de l’acceptation peut-être.

Un homme porte un tee-shirt où est écrit Free Palestine, des bandes d’adolescents mesurent leur force, des femmes acceptent de poser, simplement, avec ou sans voile.

Abed Abidat montre Alger dans son flux, sa diversité, ses bâtiments.

Sa série n’est pas démonstrative, mais d’accueil sans jugement d’un peuple façonné par un lieu.

©Abed Abidat

On prend un café, on va chez le barbier, on achète quelques sardines, et l’on s’assied sur une chaise en plastique en observant le spectacle de la rue.

Dans sa très belle préface, Samir Toumi analyse, et se souvient : « En contemplant les clichés d’Alger, malmenés, balafrés, je pense à ces mots de Marguerite Yourcenar, et je me dis que si Alger avait une peau, elle aurait la texture de ces photos. Je pense alors au visage parcheminé de ma grand-mère Noura, avec sa multitude de rides entrelacées, parfois fines, parfois épaisses, sur lesquelles je faisais courir mes petits doigts d’enfant, pour en suivre les méandres. J’aime tellement ces visages marqués par le temps, ils racontent une histoire dont nous n’avons ni le sens ni les mots. J’aime tellement Alger, elle aime tant exhiber ses rides. »

©Abed Abidat

Les enfants, Abed Abidat les a photographiés, en noir et blanc, dans nombre de pays ou territoires du monde, en France, en Irlande, en Irak, en Thaïlande, au Maroc, en Cisjordanie, au Kurdistan irakien, en Turquie, et bien entendu en Algérie.

 Que voit-on dans ces images où généralement la rue est un espace de jeu premier ?

De l’espièglerie, de la pudeur, de la fanfaronnade, de la complicité.

De la spontanéité, de la réserve, de la témérité.

Des rires, des sourires, des regards interrogateurs ou de défi.

Des bandes, de deux, de trois, de six.

©Abed Abidat

A chaque visage correspond un monde, un univers, un espace intime unique.

Abed Abidat photographie le générique – les enfants -, et trouve la singularité en chacun

A n’en pas douter, là où le photographe rencontre ses sujets, la rue appartient encore aux plus petits, qui sont l’ordre et le désordre, la joie simple et la fureur de vivre.

Quand il est encore possible d’être enfant.

Abed Abidat, Algeroid, préface Samir Toumi, conception graphique Eric Bediez, Images Plurielles Editions / Editions Barzakh, 2018

Abed Abidat, Une rue, Les enfants, conception et mise en forme Eric Bediez, Images Plurielles Editions, 2023

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