
©Sandra Rocha
« J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles / Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : / – Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles, / Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? » (Arthur Rimbaud)
La pensée de Sandra Rocha est holistique.
Pour cette artiste née aux Açores, dont l’approche de la réalité est par nature archipélique, la séparation n’est qu’une illusion, alors que tout entre dans une vaste logique de métamorphoses, de transformations, de mutations, d’interrelations.

©Sandra Rocha
Inspiré par la célèbre œuvre d’Ovide, son ouvrage Le moindre souffle, dont on a pu voir les images splendides en 2021 au Centre photographique d’Île-de-France (CPIF) et en 2022 aux Rencontres d’Arles, témoigne d’une sensibilité à la lumière très fine.
Il y a certes ce qui est, mais il y a surtout, telle est la recherche de Sandra Rocha, ce qui unit, ce qui pousse en soi, ce qui agit telle une force structurante.
On appelle cela la poésie, ou, plus simplement encore, l’énergie de vie.

©Sandra Rocha
Platon la nomme Eros primordial : c’est un Eden ici et maintenant, réactivé par la puissance de l’art à son plus haut niveau.
Il faut passer la main sur la couverture, sentir le gaufrage, la douce paroi de pierre polie protégeant le paradis – comme il faut une haie d’aubépines pour préserver des turbulences l’indemne afin que s’épanouisse le cœur des choses.
Au commencement étaient les eaux, les brumes, les pluies nourricières, propices aux apparitions.
Des roches couvertes de mousses grises, ou de cendres.

©Sandra Rocha
Des îlots, de l’écume venue du ciel comme des abysses.
Des chutes cataractantes formant un voile.
Le moindre souffle est un livre où les pages et doubles-pages de grand format, encrées généralement sur toute leur surface, induisent une lecture immersive.
Le blanc vient parfois ponctuer les visions, permettant de reprendre haleine, et de se rappeler que le vivace procède du vierge.
Tout est calme, autour du volcan.
Il faut abandonner ses résistances, passer dans une anfractuosité comme Alice traverse le miroir.

©Sandra Rocha
Entailles, salpêtre, soufre.
Il faut ces bulles, ces fleurs étranges flétrissant pour que se présente sans peur, belle et pure, une première nymphe.
Travaillant en coloriste, Sandra Rocha fait de chaque photographie un ordre de fécondité.
Des avant-bras s’exhibent, parsemés de coupures.
Le vertige du suicide adolescent est d’un autre temps, quand règne désormais l’amour duquel on ne revient pas.

©Sandra Rocha
Peaux de jeunes hommes, écorces.
Roches humides engendrant des paréidolies, chairs dénudées.
Paon déployant ses ailes, jeunes filles en solidarités sororales.
C’est le tohu-bohu de la création, l’incroyable spectacle du vivant aux entités vibratiles se frôlant, s’engendrant, se mêlant.
Le moindre souffle est un cosmos déstabilisant nos repères habituels.

©Sandra Rocha
Un monde parallèle, étrange, sublime, vaguement inquiétant, un concentré de pleines présences, une hétérotopie.

Sandra Rocha, Le moindre souffle, texte (français/anglais) de Joao Pinharanda, édition Eric Cez, 2023, Edition s Loco, 120 pages

©Sandra Rocha
Livre publié à l’occasion de l’exposition Da calma fez-se a vento, MAAT (Lisbonne), mars-septembre 2023

https://www.maat.pt/en/exhibition/sandra-rocha-da-calma-fez-se-o-vento