Fragments sur la grâce, par Joseph-Antoine d’Ornano, écrivain, peintre

©Joseph-Antoine d’Ornano

« Si, de notre côté, nous sommes vraiment disposés à l’accueillir, nous nous devons aussi d’effectuer quelques rangements et, en premier lieu, de nous débarrasser de ce qui nous encombre. Le passé des regrets que nous ne pouvons changer. Le futur qui souvent nous inquiète. Alors, déjà, nous commençons à ressentir la légèreté de certains matins où tout semble possible, où nous nous sentons heureux, où la journée n’annonce que de bonnes nouvelles. »

La grâce ou l’éloge du commencement, de Joseph-Antoine d’Ornano, est un petit livre parfait, une esquisse ravissante, un concentré de sensibilité.

©Joseph-Antoine d’Ornano

Comprenant des reproductions de tableaux miniatures de l’auteur (6 cm x 6cm environ), qui est aussi peintre, cet ouvrage de délicatesse s’impose immédiatement par sa haute tenue intellectuelle et son refus de la grandiloquence.

Ce n’est pas un traité, il y en a ailleurs, c’est une ébauche, une promenade au bord de l’extase.

Il ne faut pas beaucoup de mots, mais des phrases choisies.

Il faut du silence, de l’attention, de l’écoute.

©Joseph-Antoine d’Ornano

On frôle la théologie, mais ce n’est pas le propos, qui évoque simplement ces instants épiphaniques où nous ne nous appartenons presque plus.

Ils sont de l’ordre d’un rapt, d’une flèche de volupté réveillant la conscience.

Dans Abîmes ordinaires (Gallimard, 2001), Catherine Millot parle de sur-présence. Oui, c’est peut-être cela.

Un écart se creuse, nous sommes bouleversés, nous sommes bien, protégés par la plénitude.

Il est difficile de couper dans ce texte, tant chaque trait compte, je le citerai dans sa longueur.

©Joseph-Antoine d’Ornano

« Une nuit, je me trouvais à la campagne, dans une pièce d’un ancien couvent, une petite pièce où il m’arrivait de séjourner, l’été. La fenêtre était restée ouverte et, de là où j’étais assis dans le noir, j’apercevais les branches d’un arbre, lorsque, fermant les yeux, je m’étais senti envahi par une douce lumière, une lumière un peu tiède, d’une tiédeur pareille à celle que procurent les derniers rayons du soleil. Alors mes pieds, mes jambes, mes bras, mon ventre puis ma tête s’étaient abandonnés à la lumière en même temps qu’un étrange sentiment de tranquillité s’emparait de moi et, au dernier moment, je m’en souviens très bien, j’avais entendu distinctement, dans la pièce, tout près, une voix qui disait : « J’aime tous les hommes à égalité. » »

Cette voix est une indication, qui est celle de la compassion universelle.

Chambre d’enfant, féérie de détails, fenêtres.

Paysages atemporels, unité, vie intérieure.

©Joseph-Antoine d’Ornano

Les vingt-trois œuvres graphiques faisant face aux mots (pastel, aquarelles, crayons, fusains) sont merveilleuses, qui elles aussi sont du langage fondamental.

On pense aux peintres de paysages flamands, on songe à Munch, à Watteau, à Boudin, à Seurat, à Renoir, à Corot, à des siècles de regard fin sur la façon dont les corps se disposent dans l’espace, et sur la façon dont celui-ci se structure.

La grâce nous renouvelle, c’est un premier baiser nous électrisant doucement.

Joie sans cause, enlèvement, élévation, surprise.

« Par exemple, en remontant très loin, je peux dire sans risque de me tromper que j’ai été heureux le 8 septembre 1966, au commencement du soir, et en disant cela retrouver un jardin avec des hortensias, une odeur déjà de fin d’été, et, derrière moi, au loin, dans la maison, des bruits de nappes qu’on défroissait pour le dîner du soir. »

©Joseph-Antoine d’Ornano

Il y a des appels, des convocations, on se met à courir follement mais on reste sur place.

Gratuité, indemne, innocence.

Il se pourrait, avance Joseph-Antoine d’Ornano, que les objets de nos ravissements nous élisent, plutôt que nous ne les désignions.

Ils nous regardent comme des élus.

©Joseph-Antoine d’Ornano

« L’objet de grâce, en nous choisissant, attend sans doute, lui aussi, un petit quelque chose de notre part. Non pas un quelconque mérite. Ni même une volonté. Plutôt une confiance – confiance mêlée de joie à l’idée que la rencontre, même incertaine, un jour peut avoir lieu. Confiance aussi parce que nous savons qu’il nous a choisis pour ce que nous sommes en vérité, au-delà de nos préjugés, de nos croyances, du rôle que nous nous sommes fixés pour plaire ou qu’on nous a assigné de force. »

Dites, quand avons-nous vécu ?

Tiens ferme ta couronne, répondent Marcel Proust et Yannick Haenel.

Joseph-Antoine d’Ornano, La grâce ou l’éloge du commencement, maquette et mise en page Elsa Martinez-Faucard, L’inventaire, 2021, 64 pages

©Joseph-Antoine d’Ornano

https://editions-linventaire.com/auteurs/joseph-antoine-dornano/index.html

Joseph-Antoine d’Ornano est représenté à Paris par la galerie Grillon

https://galeriegrillon.fr/?artistes=dornano-joseph-antoine

https://www.leslibraires.fr/livre/18909420-la-grace-ou-l-eloge-du-commencement-joseph-antoine-d-ornano–l-inventaire?affiliate=intervalle

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