
©Bernard Plossu
« Cochise/Picasso, expérience extraordinaire et vérité historique qu’il est bon d’énoncer : oui, Picasso vivant comme un Apache ! » (Bernard Plossu)
Bernard Plossu ne cherche pas, il trouve.
A la demande de la Fondacio Museu Picasso de Barcelone, le photographe français est allé sur les traces du peintre génial, en ses terres natales de création.
Il ne s’agit pas de faire du Picasso, mais de révéler une atmosphère, des lumières, des paysages fécondants, un mystère.
L’aspect pulvérulent des tirages charbonneux Fresson donne la sensation d’atteindre la matière même du temps, qui est rêve, trouble fixe, mouvement de la conscience.
Bernard Plossu photographie les espaces où le jeune Picasso a grandi, interrogeant la façon dont le genuis loci peut inspirer durablement un artiste.

©Bernard Plossu
La mise en regard des peintures et dessins du Catalan, des documents historiques, des photographies d’époque, et des images contemporaines du voyageur au Nikkormat, permet d’entrer dans la matière même d’une œuvre titanesque.
Mais ce n’est pas le gigantisme de l’artiste inépuisable que célèbre Bernard Plossu, plutôt sa façon de contempler le monde et d’en faire la source de toutes les métamorphoses.
Nous sommes en ville et dans les villages de montagne, au bord de la mer et auprès des roches millionnaires, à Barcelona, Gosol, Horta de Sant Joan, Cadaqués.

©Bernard Plossu
Dans son texte, le commissaire Emmanuel Guigon, qui l’expose, cite une lettre parfaire de Bernard Noël envoyée à son ami le 10 septembre 2020 : « (…) Que vas-tu faire sur les traces de Picasso, saisir son empreinte visuelle ? Cela m’intrigue beaucoup car il me semble que tu fais surgir de la présence, laquelle n’est jamais représentée mais appelée. Rares sont ceux qui savent saisir l’appel de la chose et non la chose elle-même. Je n’aime pas le mot « âme », trop christianisé, mais c’est elle qui le désigne le plus justement. Bonne chasse à l’âme ! Je t’embrasse. »
Pas de bavardage, aller à l’essentiel des lignes et des courbes, des ombres et des nuages, des pluies et des intérieurs.
Voici Picasso à la volée, et pourtant diablement présent, comme si le peintre revoyait ses paysages familiers depuis sa mort, de l’autre côté, de derrière l’humus qui recouvre désormais ses ossements.

©Bernard Plossu
En cela, Bernard Plossu a prolongé le versant espagnol de son œuvre, qui est une conscience du tragique dans la quotidienneté, mais sans appuyer ou insister, comme toujours.
On vit, on meurt, on passe, mais il y a l’art, qui est à la fois d’embaumement et d’essence lazaréenne.
C’est Picasso à la fois sous terre et à 1400 mètres d’altitude, dans le petit village de Gosol surmonté par la montagne du Pedraforca, où la légende raconte, rappelle le photographe, qu’il peignit en trois mois, dans le silence de ces hauteurs, plus de deux cents œuvres.
L’Apache Cochise a des flèches, le peintre possède des pinceaux, la précision du tir, en accord avec la situation et la conscience des éléments de la nature aride, en Arizona ou Espagne, en font des frères.
Bernard Plossu, maître du French cubism en photographie, fait assurément partie de la famille de ces personnalités supérieures.
Dante disait de Giotto : Il a le cri.
Voilà.

Bernard Plossu, Barcelona / Gosol / Horta de Sant Joan / Cadaqués, textes (catalan, espagnol, anglais, français) Malen Gual, Emmanuel Guigon, Bernard Plossu, Fondacio Museu Picasso, 2024, 190 pages
https://www.laie.es/es/libro/plossu-picasso/2070184/9788412802917

©Bernard Plossu
Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition éponyme ayant lieu à la Fondation Picasso de Barcelone du 15 mars au septembre 2024 – commissariat Emmanuel Guigon

©Bernard Plossu
https://museupicassobcn.cat/en/whats-on/exhibition/bernard-plossu-catalan-landscapes-picasso