
©Jean-Michel Nicolau
« Chaos / Des blocs d’aérolithes // Cacophonie / Des palais écroulés »
Après S’il reste des silences, paru en 2021, les éditions nantaises Art 3 Plessis publient un deuxième ouvrage de Jean-Michel Nicolau, décédé en mai 2021, L’ombre se rêve blanche.
On retrouve dans ce livre hommage la grâce d’un noir et blanc exprimant à la fois le goût de l’épure et l’ivresse des voyages, Jean-Michel Nicolau cherchant à rencontrer l’autre pour se comprendre lui-même, sans masquer la part d’impossible d’une telle démarche se heurtant à l’opacité du monde.

©Jean-Michel Nicolau
Accompagné des poèmes de l’auteur, toujours de quelques mots, comme avançant à pas feutrés, L’ombre se rêve blanche est une œuvre interrogeant les visages comme les paysages, l’organisation formelle des apparences comme le mystère de ce qui choit, s’érode, disparaît.
De la diversité des scènes, des situations, des pays photographiés se lève une même énigme fondamentale : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? pourquoi suis-je là ? ce que nous percevons du grand dehors n’est-il pas de l’ordre d’un panorama intérieur ?
Des structures géométriques sont posées dans l’espace, le rythmant, le rendant palpable, tout est de l’ordre d’une vaste cérémonie secrète, discrète, presque clandestine.

©Jean-Michel Nicolau
Il y a des statues acéphales, un moine concentré sur sa lecture, des déchirures comme dans une toile de Lucio Fontana, ou des édifices en ruines représentés par John Divola.
Tout s’accorde cependant, malgré et par la brisure, dans un réseau de signes concordants, dans un dialogue ininterrompu de sous-conversations stupéfaites, dans le mutisme des êtres regardés sans ciller.
Les arbres ont des yeux, la pierre est vivante, les forêts sont des palais de conte où peuvent s’opérer des intiations supérieures.

©Jean-Michel Nicolau
Les clefs rouillés vivent, comme le gant posé sur la terre, comme les murs délabrés.
Il faut dépasser l’ego, se mettre en quête d’une ombre ou d’une lumière spéciale, aller par la géométrie au-delà des rapports de surface.
Des dialogues, des ponctuations de sandales abandonnées devant quelque temple au tapis déroulé, des ondes parcourant le lit chaud des fleuves.
Tiens, voici deux amis photographiés en pleine complicité, peau craquelée comme un désert de sel.

©Jean-Michel Nicolau
Jean-Michel Nicolau est en quête, d’échos, de glyphes étonnants, de présences humaines vraies.
La photographie est pour lui une manière de calligraphie, à la fois pratique d’introspection et d’exploration des infinis turbulents, mais toujours structurés.
« Ainsi, écrit-il, à la fin tout s’apaise // Les souvenirs vont suivre / La traînée transversale / Des avions long-courrier // Les anciennes averses / Les rumeurs d’amertume // Les rires amarrés / Les silences. »
Quelqu’un marche, quelqu’un sourit, quelqu’un prie, quelqu’un nous menace, tout entrant sans reste dans la nécessité d’une partition inventant la musique particulière de nos existences.

Jean-Michel Nicolau, L’ombre se rêve blanche, préface Pierre Fardel & Philippe Josserand, Art 3 Plessis Editions, 2024

©Jean-Michel Nicolau
https://www.jmnicolau-photographe.com/

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