
©Bernard Plossu
Tout commence par l’amour.
Pour le voyage, pour une femme, pour la famille.
Pour l’Italie, pour Françoise Nunez, pour Shane, resté aux Etats-Unis, pour Joaquim, à peine né, et pour Manuela, encore un ange.
Contre l’état de guerre, il y a Bernard Plossu.
Pas à la façon des ténors du barreau et des diplomates madrés, non, à la façon de qui dit : « Viens, mon frère, donne-moi la main, partons ensemble », « Viens, c’est la vie à l’Américaine, c’est la route, c’est la justice dans la justesse », « Viens, c’est le bebop de l’existence, le swing des regards, le gong de l’écriture, à la main, à la machine à écrire, ou à l’appareil photographique. »

©Bernard Plossu
On voit L’odyssée des petites îles italiennes, on est heureux, on est à l’intérieur du temps, enveloppé dans un drap blanc, putto baroque flottant parmi les images.
Nous sommes en 1987 sur l’île de Stromboli – oh Dio mio -, Françoise tient Joaquim dans ses bras, le bateau va accoster, on n’est nulle part, on est under the volcano, on est au centre du monde.
Des fumerolles, des petites maisons blanches comme des Lego pour le bambin, et le regard sauvage de la belle épouse.
Tout de suite, c’est une comédie à la Dino Risi, du cinéma permanent, la vie exaltée par la menace de la mort, le rythme des pentes noires et des mobylettes.

©Bernard Plossu
Un homme tente de s’échapper, on pense à L’évasion de Rochefort de Manet, un autre tend des filets, le soleil décline, il va y avoir un orage, comme autrefois, en 1983, au Nouveau-Mexique, à Santa Fe.
Que fait-on à Stromboli ? On disparaît, on vit, on s’aime.
Arrivée maintenant à Procida, tout paraît si simple : débarquer, marcher, se parler.
Les images sont imprimées pleine page ou forment mosaïque, il faut fuir le systématisme, couper la tête de Méduse qui nous endort, laisser respirer les blancs, repartir.
Voici Capri, ses porteurs de bagages, ses villas luxueuses, son air aristocratique.

©Bernard Plossu
La promenade à la sortie de la messe, et vers 17h sur le corso.
On entre dans un restaurant, on est à Ponza, sous les falaises, des enfants jouent dans le village à l’intérieur d’une cabine téléphonique.
Football et église, parties de cartes et cartons d’arrière-salle : italian cubism.
Ischia, Lipari, Filicudi, Alicudi, Levanzo, Marettimo, Panarea, Salina, Vulcano, Tremiti, San Pietro, La Maddalena, Linosa, Favignana.
Costumes blancs et soirs de tempête, Fiat Topolino et étincelles dans le ciel, Nicolas Bouvier, tu peux te réveiller.

©Bernard Plossu
Tout ceci existe-t-il encore ? Bien sûr que non, bien sûr que oui, l’innocence est un espadon éventré dans la remorque d’un mareyeur.
Les ragazzi trafiquent, les poules passent dans le plan avec une majestuosité grotesque, telle est leur raison d’être sur cette terre (bonjour monsieur Boubat), les beaux marins regardent Françoise, mais c’est la femme de Bernard.
Des ânes, des barques, des flous parfaitement nets.
Toute photographie réussie est une île, hospitalière ou pas, utopique ou pas, l’artiste est un insulaire rencontrant d’autres insulaires et ses œuvres des liaisons maritimes.
A quelle heure part le bateau pour Ustica ? et celui pour Lampedusa ? et pour Dino ? pour Elba ?
Les images de Bernard Plossu sont minérales, ce sont des éléments de poussière condensée.

©Bernard Plossu
On est à Giglio, mais on est aussi au Niger, les images se chevauchent, entrent en dialogue, il n’y a qu’un seul monde.
On s’attarde un peu à Ventotene, une femme marche avec ses deux enfants à Capraia, c’est Françoise avec ses deux enfants, enfin son double.
Dans sa très belle préface, Walter Guadagnini écrit : « En somme, ces îles sont le lieu parfait pour la photographie de Plossu : elles incarnent ses raisons profondes et ses aspirations les plus secrètes et sont peut-être, pour revenir au maître d’Aix-en-Provence, sa montagne Sainte-Victoire mobile et changeante. Ou bien, comme le suggère le titre de ce volume, elles sont les étapes d’un voyage infini, qu’il a réalisé non pas seul mais en compagnie des grands amours de sa vie. »

Bernard Plossu, L’odyssée des petites îles italiennes, tirages Françoise Nunez et Guillaume Geneste, édition Manon Lenoir, préface de Walter Guadagnini, fabrication Clara Coupez, design graphique Agnès Dahan Studio, Editions Textuel, 2024, 264 pages
https://www.editionstextuel.com/livre/lodyssee_des_petites_iles_italiennes

©Bernard Plossu
Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation Almayuda et du fonds de dotation Agnès b.
Bernard Plossu, L’Odyssée des petites îles italiennes, exposition à la Galerie du jour Agnès b. (La Fab., Paris), du 31 octobre au 22 décembre 2024 – lancement du livre éponyme publié par Textuel le 31 octobre, en présence de l’artiste, de 18h à 21h
https://la-fab.com/la_galerie/bernard-plossu-dopo-lestate/
Exposition Les années Hip par Bernard Plossu, Musée Regards de Provence (Marseille), du 3 octobre 2024 au 16 mars 2025

Exposition Les voyages mexicains de Bernard Plossu & Françoise Nunez – commissariat Yvan Romero –, à l’Institut Culturel du Mexique (Paris), du 8 novembre 2024 au 23 janvier 2025 / vernissage en présence de l’auteur le jeudi 7 novembre de 18h à 20h
https://photodays.paris/Institut-culturel-du-Mexique
