Chuter, nager, renaître, par le collectif de photographes Les Globules Noirs

©Les Globules Noirs

Les Globules Noirs est un collectif nantais de trois femmes photographes : Andrea Wasaff, Caroline Lusseaux, Céline Gobillard.

La façon dont le corps occupe l’espace et dont l’espace résonne avec le corps est chez elles une préoccupation majeure.

Que reste-t-il de l’humain dans l’engloutissement contemporain, qu’on l’appelle transhumanisme, Intelligence Artificielle ou biopolitique ?

Thanatos règne en maître, c’est un dieu méchant, pas le Dieu d’amour vers lequel on va en se dépouillant sans craindre de mourir à soi.

Que reste-t-il de nos présences ?

Une chaleur, un rayonnement, des ondes, des vibrations.

Des gestes.

Une chorégraphie involontaire.

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En composant La résistance des corps à l’oubli, les artistes inventent un chemin de feu et d’air pour célébrer la puissance du vivant.

L’être s’incarne, dans une flamme, une chaîne montagneuse, le dos constellé de grains de beauté d’une nageuse, une chevelure très noire.

La triple entité pense l’humain dans son inscription dans la vastitude, le cosmos, la nature naturante.

C’est une dialectique de cavités premières, matricielles, et de ciels étoilés, de visages minéraux, mangés d’ombres, et de paysages nus.

Dans cette partition quasi musicale où les zones de blanc importantes sur lesquelles se détachent les visions sont comme des surfaces de flottaison, chaque photographie est une île dérivant vers une autre île, lui faisant écho, la complétant, la prolongeant, la complexifiant.

Des poèmes, d’Aude Grandveau, ponctuent l’ouvrage, à la façon d’un lied entonné par un chantre naviguant sur le fleuve des images.

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« Je suis un grain infime, / Débris de mes générations, / J’exécute vos gestes sans qu’on me les impose / Suivant l’ordre des choses »

La résistance des corps est peuplé de ruines, et, quelquefois, de visages flous : ce sont des rais de mémoire, des vestiges induisant une réflexion sur le temps, le passage, la défiguration générale.

Tout bouillonne et tout est calme ; tout est serein et tout s’agite.

« La jument de la nuit s’affole / Le diable a enflammé ses crins / Traverse mes songes dans son envol / Claquant ses sabots assassins »

©Les Globules Noirs

Imprimé avec élégance, ce nouvel opus publié par les éditions Sur la crête possède une matière très belle sur papier dense, presque organique.

Se dressent, de dos, en couleur, deux adolescents dans un bleu céruléen/cyan/céleste manifestant une profondeur d’idéalité.

Mais il y a des nuages menaçants, des présages funestes, toute cette noirceur à traverser pour accéder de son vivant au paradis : trashumanar, écrivait Dante.

On chute et on se relève on s’égare et l’on se dirige à l’instinct dans la forêt souvent sombre de l’existence.

Il y a des personnages en apesanteur ou en torsion, en état hypnagogique ou d’éveil, en sensation d’apnée ou de semi-extase.

©Les Globules Noirs

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« Cette souffrance verdâtre décompose mon cœur / Les visages se disloquent, brûlés par la rancœur / Les adieux ravagent, les amours sont dangers, / Et chaque jour qui passe, j’oublie de respirer »

Des tentures enveloppent des corps, goudronnés d’encre ou disparaissant dans le gris.

La résistance des corps présente parie sur la persistance poétique des humanoïdes terminaux, attentif à l’énigmatique flux de vie accordant à l’individu la grâce d’une forme, ne le distinguant pas toujours des éléments de la nature desquels il procède essentiellement.

Screenshot

Les Globules Noirs, La résistance des corps à l’oubli, poèmes (français/anglais) Aude Grandveau, Sur la Crête éditions, 2024 – 350 exemplaires

https://www.instagram.com/les_globules_noirs/?hl=fr

©Les Globules Noirs

https://www.carolinelusseaux.fr/

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https://www.celinegobillard.com/

https://editionsurlacrete.com/19_La-Resistance-Les-GLOBULES

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