
© Øyvind Hjelmen
Il faut beaucoup d’audace et de talent pour publier, si bien, un livre dont les images sont si petites.
Being Here, du photographe Øyvind Hjelmen pourrait être un song de silence, un songe de paix, le rêve d’un geste artistique discret ne voulant pas perturber par sa présence ou sa pratique l’ordre des choses.
L’œil se rapproche de la page, fait le point, les visions sont de format carré, pouvant tenir, affirme la légende, dans une boîte d’allumettes.

© Øyvind Hjelmen
Hjelmen photographie des pans de réalité qui sont des moments de poésie : tout paraît à la fois éphémère et persistant dans son être (Spinoza dixit).
Les rideaux d’une fenêtre bougent au vent de la nuit ou du petit matin.
Un homme dort, étendu sur un lit.

©Øyvind Hjelmen
Une caravane attend dans les bois son prochain occupant.
Le blanc entoure les miniatures, le calme règne.
Pas feutrés, silence d’infini.
Chaque apparition est de l’ordre d’un miracle visuel, parce que nous sommes déjà morts, ou le seront tout à l’heure.

© Øyvind Hjelmen
Nous ne sommes plus, ou à peine, quand elles évoquent, modestes, des radeaux dérisoires voguant sur l’onde du temps.
Ces images, dont le format oblige à la concentration du regard, sont des phalènes, des îles en suspension dans l’espace, des astres précaires.
Le noir et blanc protège de la corruption cette archive rescapée.

© Øyvind Hjelmen
Un dos de femme, un mannequin de couturier, une passerelle installée sur le sable entre les oyats.
Tout pourrait sembler disjoint, mais le livre en sa forme de rassemblement crée l’unité.
S’ouvrant sur un poème de John Fosse, prix Nobel de littérature 2023, Being Here, dont la couverture en tissu noir peut rappeler la préciosité d’un écrin ancien, célèbre le hic et nunc, c’est une ode modeste à la présence insistant dans sa guise d’atemporalité.

© Øyvind Hjelmen
La solitude émanant de ce corpus d’éloquence chuchotée n’est pas un esseulement, c’est une réappropriation de soi et de l’espace.
La vie explose de génie, mais sans ostentation, sereinement.
C’est une triade de cloches, un chien dans le lointain, des silhouettes, des reflets, un Christ en croix, un fragment de corps, une chaise, une ampoule, quelques arbres, un rai de lumière sur une porte ouverte.
La spiritualité simple émanant de ce livre relève d’une sensation de grâce, ou de moments épiphaniques.

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On ne voit guère les visages des personnes représentée, ou seulement un, à la fin de l’ouvrage.
Un homme, tout l’homme, écrivait Sartre.
Ça suffit.

Øyvind Hjelmen, Being Here, Skeleton Key Press, poème de John Fosse, édition Russell Joslin, Skeleton Key Press (Norvège), 2024 – 360 exemplaires numérotés et signés
https://www.oyvindhjelmen.com/

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