Du prométhéisme nucléaire en Argentine, par Pablo Cabado, photographe

©Pablo Cabado

Parmi les étranges histoires concernant la possible fin du monde, il y eut l’ambition argentine de produire de l’énergie nucléaire après la Seconde Guerre mondiale.

Confié au physicien allemand d’origine autrichienne Ronald Richter, accueilli clandestinement en Argentine – refuge de nazis en fuite, tels Josef Mengele et Adolf Eichmann, censés pouvoir apporter une valeur ajoutée au pays -, ce projet d’énergie illimitée grâce à la fusion nucléaire fut imaginé sur l’île de Huemul, près de la ville de San Carlos the Bariloche, en Patagonie, où devait être construit un réacteur expérimental.

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Mais ce projet très coûteux considéré comme prioritaire par le président Juan Péron s’avéra très vite un échec, et Richter, qui le mena de 1949 à 1952 dans un climat de paranoïa, apparut comme un incapable, dangereux vendeur de rêve, si ce n’est un imposteur.

Pendant six ans, le photographe vivant à Buenos Aires Pablo Cabado s’est rendu sur cette petite île déserte du lac Nahuel Huapi, afin de mieux comprendre l’histoire du déploiement de cette folie de toute puissance scientifique.

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« Des pistes envahies par la végétation, des ruines de bâtiments, des murs défigurés avec des croix gammées, des balles et des éléments électriques éparpillés dans la zone sont les seuls vestiges restants du développement secret qui a eu lieu, précisent les éditions The Eriskay Connection qui publient le livre rendant compte de ses explorations, Little Suns on Earth. »

Ayant travaillé à la fois en analogique et en numérique, le photographe montre le conflit entre la nature et les desseins démiurgiques humains.

Composé de deux parties – un essai de l’historien Diego Castelfranco imprimé à gauche sur feuillet indépendant, et un ensemble visuel, à droite, relié à la suisse, comprenant notamment un triptyque à rabats montrant l’île dans son horizontalité -, Little Suns on Earth expose un espace fascinant, à la fois en ruines et de luxuriance végétale.

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Il y a des images d’archives montrant les infrastructures, les scientifiques et les traces d’une installation durable (câbles électriques, clés, appareils de mesure…), et des photographies contemporaines très calmes, silencieuses, permettant la réflexion.

La mer est une moire grise où la mémoire se perd, le mystère règne, on ne peut qu’imaginer la présence humaine en ce territoire semblant abolir toute venue exogène.

L’œil se fait archéologue, scrute les signes, pense l’effondrement.  

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L’orgueil humain est peu à peu effacé par la puissance de la nature, la présence de Ronald Richter est un mauvais rêve, mais son ombre circule encore dans les anfractuosités, les impacts de balles, l’acier rouillé.

Pablo Cabado, Little Suns on Earth, text Diego Castelfranco, design Carl Fransen, The Eriskay Conection, 2023 – 400 copies

https://agencevu.com/photographe/pablo-cabado/

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https://www.eriskayconnection.com/author/pablo-cabado/

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