Peggy Viallat est une artiste passionnée, ardente.
Peintre et éditrice – éditions A/Over – Peggy Viallat ne cesse de chercher et présenter des formes d’expressions artistiques envisagées, à la façon de Novalis et des romantiques allemands, comme des moyens de communication privilégiés, c’est-à-dire de mise en relation profonde entre l’œuvre et le regardeur.
Les livres qu’elle compose avec une grande élégance sont chaque fois des possibilités de rencontres, des jeux de correspondances, des micro-planètes autonomes et accueillantes.
Son travail de défricheuse est celui d’une architecte, construisant des ponts fragiles et précieux.
Quelle est la ligne éditoriale des éditions A/Over que vous dirigez ? Pourquoi ce nom ?
A/OVER est un jeu de ricochets, le A c’est pour Argonautes, une façon de souligner l’importance des énergies et ce que cela génère de possibles et de création.
Après une première expérience de livre d’artiste aux côtés de Michel Houellebecq, j’ai voulu entrer dans le processus éditorial comme un nouveau médium à essayer – qui est très vite devenu viral -, montrer le travail des écrivains, des artistes, faire naître des œuvres synergiques. Comme en peinture, le seul mot d ‘ordre est de » donner à voir « .
Recevez-vous des aides institutionnelles ou de galeries avec lesquelles vous collaborez ? La ville de Saint-Etienne où vous avez installé votre maison d’édition vous reconnaît et soutient-elle ?
Je ne reçois aucune aide, d’aucune façon. A/Over fait partie de mon travail de plasticienne. Je fixe le prix de vente de chaque production de manière à ce qu’il soit accessible au plus grand nombre, mais c’est une utopie qui n’est pas viable financièrement.
Combien de livres avez-vous publié jusqu’à présent ? Quels codes esthétiques vous êtes-vous donnée pour l’ensemble de ces ouvrages ?
En quinze mois, j’ai publié dix coffrets réunissant au total cinquante artistes, à chaque fois confrontés au texte de l’un des dix écrivains avec qui j’ai déjà travaillé, et contenant tous une œuvre originale, signée et vendue à prix fixe, quelle que soit la cote de l’artiste.
J’ai publié aussi dix-neuf livrets en édition numérotée, en général à quarante exemplaires, réunissant parfois jusqu’à quatre artistes autour du texte d’un écrivain.
Ma démarche est donc effrénée, boulimique.
Je ne m’impose aucun code esthétique, mais la liberté totale de création. C’est à moi de m’adapter aux propositions, de réinventer différemment chaque publication.
Comment choisissez-vous les écrivains avec lesquels vous travaillez ?
D’une manière anarchique et volage… Les choix sont spontanés, liés à des rencontres, des lectures, et surtout des résonnances – pour certaines tellement évidentes – par exemple entre André Markowicz et Simon Leibovitz Grzeszczak pour un livre à paraître en avril (et pour lequel la mairie de Paris 5 et le Crous ont prévu une semaine de présentation avec vernissage et rencontres). Ce que tous deux construisent, leur échange, est fascinant.
Votre publication, Poupée rus(s)e, d’Amélie Adamo et Anya Belyat-Giunta, est d’une très grande élégance. Comment avez-vous conçu ce livre gigogne comportant deux cahiers spécifiques, l’un de la plasticienne Anya Belyat-Giunta, l’autre de la poétesse Amélie Adamo ?
Pour Poupée rus(s)e, c’était exactement le même schéma, un lien évident entre le rythme de l’écriture d’Amélie et le tranchant des dessins d’Anya, avec un trait plutôt gracile et des touches de rose qui venaient éclairer en sensualité. Il fallait que ma construction intègre ça. Je travaille à l’instinct, en me reposant surtout sur les papiers, les sensations du toucher.
Tout est fait à la main. Hélas, la seule limite est l’aspect financier ! Je pourrais faire tellement plus.
Quels sont les livres d’artistes qui sont pour vous des sources d’inspiration ?
Dans ce domaine, il y a une dynamique énorme, notamment à Montréal [cf le site du centre Clark], aussi bien dans les créations d’artistes célèbres, que dans un milieu qui se dirait underground. Difficile de s’y retrouver.
J’ai un immense respect pour la revue MECANICA de Céline Thoué, et son odeur d’encre à graver. Un travail fantastique !
Comment se procurer vos ouvrages ?
Via le site internet http://www.a-over.com/
Pour les Parisiens, auprès de la galerie Detais, 39 rue Notre-Dame de Lorette, dans le 9eme.
Il existe aussi un fonds de conservation dédié aux éditions A/Over et géré de manière indépendante par Mr Philippe Marchal, directeur de Bibart, du réseau Artesio, et de la B-Gallery à Bruxelles.
Sur quels projets éditoriaux travaillez-vous actuellement ?
Le coffret numéro 11 contenant un texte de Charles Robinson avec une œuvre originale signée, vu par Edi Dubien, Florence Dussuyer, Julie Perrin et Vincent Mesaros.
Je travaille aussi sur trois nouveaux livrets : Gabrielle Jarzynski vu par Smith Smith, Marcia Marques Rambourg vu par Christine Coste, et un Apollinaire avec Céline Guichard.
J’ai également trois ou quatre projets en attente.
Je prévois de construire avec la galeriste Sabine Bayasli une journée spéciale dédiée aux éditions, avec tout un programme de rencontres et signatures.
Vous êtes peintre vous-même ? Comment présenter votre travail ? Où peut-on le voir ?
Oui, je suis peintre. Il est très difficile de se voir de l’extérieur… J’ai un rapport compulsif à a création. J’essaie de donner une profondeur, et de ne pas me figer dans un médium ou une seule forme d’expression. J’aime la densité, les matières épaisses, ce qui suinte, ce qui se modèle, et de la peinture tout ce qu’elle ouvre de chemins, de possibilités de faire advenir, très naïvement une manière de transcender une condition humaine dont l ‘être est de plus en plus flou…
Je souhaite bâtir des cathédrales de lumières pour les attardés rêveurs, les boxeurs, essayer de toucher l’autre avec le plus de douceur et de retenue possible, chercher un mode de communication profonde…
On peut voir mon travail sur mon site – http://www.peggyviallat.com/
Il est aussi visible à la Metamorphik Galerie, à Lyon, et épisodiquement à la galerie Detais à Paris.
A l’étranger, la galerie Kellermann à Düsseldorf le présente.
Propos recueillis par Fabien Ribery
Amélie Adamo et Anya Belyat-Giunta, Poupée rus(s)e, A/Over éditions, 2016
Découvrir le site des éditions A/Over
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