
Le photographe chinois Ren Hang est l’inventeur d’un genre de burlesque pornographique contemporain de très mauvais goût et pourtant absolument réjouissant.
Ne reculant devant aucune audace formelle ou sexuelle, Ren Hang met en scène des modèles faisant de leur corps la matière première d’un jeu où les orifices et parties érectiles sont montrés dans toute leur crudité, mais aussi leur puissance comique.
On pense à la servante Baubo retroussant son péplos et exhibant sa vulve pour faire rire Déméter inconsolable d’avoir perdu sa fille, Perséphone.

Photographiés frontalement, dans un style souvent paradoxalement clinique (fonds généralement unis), les jeunes hommes et femmes qui exhibent ici leurs organes semblent pris au piège d’une sorte de white cube photographique autorisant tous les fantasmes.
Ces modèles ne prennent pas la pose, mais font de véritables performances, acteurs d’une féérie de mixions et d’excitations aussi savoureuses que loufoques.

Si les gestes sont obscènes (phallus étiré comme un chewing-gum ; en érection portant un trousseau de clés ; anus à partir duquel se déroule un fil téléphonique), ils semblent surtout participer d’une sorte d’innocence fondamentale du corps disponible entièrement, comme un objet d’expérimentation, pour qui l’habite pleinement.
Révélé notamment en Europe par son ami Pierre Bessard avec le livre The brightest light runs too fast (Editions Bessard, 2014), devenu rapidement culte (une couverture thermique a permis de déjouer la censure), les éditions allemandes Taschen offrent aujourd’hui à Ren Hang un rayonnement mondial en lui consacrant une superbe monographie sous couverture rouge cartonnée, découpée d’une étoile laissant apparaître un jeune homme se léchant délicieusement, sous un ciel à la Pierre et Gilles, voyez-y tout un programme, l’aisselle.

Les enfants de Mao sont devenus de sacrés galopins, corps minces et souples, sexes brandis en étendards, n’ayant peur de rien quand le pouvoir politique en place se rassure de croire contrôler par la coercition des corps les pensées.
Fini le temps des pudibonderies, place aux fantaisies érotiques les plus déchaînées, afin de prendre de vitesse le serpent mélancolie, qui toujours guette.

Vous reprenez à peine votre respiration, que ce diable d’homme (timide) de 29 ans vous a surpris de nouveau, une femme mettant du rouge à lèvre sur son sexe glabre, avant d’allumer une cigarette la pénétrant doucement. D’autres forment une pyramide de culs improbables, quand un homme pisse dans la bouche d’un dragon en plastique, ou mange des pâtes à même le pubis de sa partenaire.
Les sexes masculins sont généralement gros, dressés, parce qu’ils sont plus beaux ainsi que flasques et minuscules, et qu’il serait temps de comprendre aussi que les Chinois sont des amants formidables.

Grâce à Baubo, Perséphone échappa à la dépression.
Nul doute que Ren Hang ait également besoin de la danse burlesque des chattes et des bites pour traverser lui aussi en très bonne compagnie la mort.
Ren Hang, Ren Hang, choix éditorial et texte de Dian Hanson, Taschen, 2016, 316p
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