
Zehra Doğan est une journaliste et artiste kurde de vingt-huit ans condamnée par l’absurde criminel du pouvoir turc à deux ans et neuf mois de prison pour un dessin évoquant la destruction par les militaires en 2016 d’une partie importante de la ville de Diyarbakir à l’extrême-est de son pays.
« Otage politique », la femme est enfermée, mais les œuvres circulent, évadées clandestinement de Turquie, ainsi que son journal de bord.
Les éditions lyonnaises Fage – dirigée par Laurence Loutre-Barbier – lui consacrent un livre important, nécessaire, Les Yeux grands ouverts, Journal d’une condamnation, Chronique d’une exposition, quand le harcèlement quotidien des défenseurs de la liberté d’expression devient une méthode de gouvernement : « Zehra vit l’authentique violence dans son propre pays. Ce n’est pourtant pas une maladroite qui a traversé les zones interdites pour le plaisir de commettre un acte extravagant, mais bel et bien une femme en or qui, avec son art a souhaité exprimé le désir de paix et de liberté et évoquer la situation de la Turquie. Zehra est inculpée et condamnée à cause d’un dessin ! »
Remarquée notamment pour son travail sur les femmes yézidies persécutées par Daesch, Zehra Doğan, cofondatrice de l’agence d’information JINHA, témoigne inlassablement, par les mots et les pinceaux, de la répression d’Etat concernant le peuple kurde.

La politique de terreur menée sur ses opposants politiques par l’autocrate Erdogan – dont l’UE paraît avoir tant besoin pour contenir les flux migratoires passant par son territoire – est un aveu de faiblesse face au courage considérable de qui ne cesse de lutter pour que soit reconnue l’évidente liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Après l’interdiction de parution du journal historique Özgür Gündem le 16 août 2016, de sa prison, Zehra Doğan et ses amies imaginent la parution d’un nouveau titre Özgür Gündem – Geôle fait entièrement à la main sur papier Kraft. Deux numéros paraissent, ils sont exceptionnels.
Briser le silence, informer, refuser les tentatives d’intimidation, écrire coûte que coûte.
Extrait du journal de Zehra Doğan du 13 février 2016 : « A Nusaybin, sous le blocus interminable, où chaque jour amène sa victime, aujourd’hui, Muğdat Ay, âgé de 12 ans, a été tué par le feu ouvert depuis un blindé, alors qu’il jouait devant la maison. Nous avons attendu devant l’hôpital pendant des heures que Muğdat revienne à la vie. Mais Muğdat est mort. Les billes qu’il tenait bien serrées dans ses paumes ne me quitteront jamais. Muğdat n’a pas lâché ses billes qu’il aimait tant, même lorsque son cœur d’enfant a cessé de battre. »

Souffrances, peur, rage, sens d’un engagement de justice.
15 juin 2016 : « Des corps en décomposition sont toujours dans les rues. PÖH (Police spéciale) a partagé sur les médias sociaux une photo exposant un cadavre morcelé, et accroché à un arbre par le pied. Le visage et le corps sont endommagés. Quand on racontera tout cela des années plus tard, personne ne nous croira. Mais, en ce moment, ici une guerre des plus sauvages est vécue. »

A partir de juillet 2016, Zehra Doğan est en prison, dessinant sans cesse, poursuivant la lutte autrement, avec d’autres camarades de cellules.
En liberté provisoire à partir du 9 décembre 2016, sa peine confirmée, elle entre en clandestinité, avant d’être de nouveau arrêtée le 12 juin 2017.
Combattante du peuple kurde, Zehra Doğan est depuis ce jour en prison, n’ayant ni le droit d’écrire, ni celui de peindre.

Cependant, ses œuvres circulent désormais en France. Elles symbolisent, dans leur douleur et leur crudité, une force de vie inaltérable.
Soutenue par l’équipe du magazine libertaire Kedistan, par une éditrice enthousiaste, et des dizaines de milliers d’anonymes acquis à sa cause, Zehra Doğan, prisonnière politique, est un espoir de résistance pour tous.
Zehra Doğan, Les Yeux grands ouverts, Journal d’une condamnation, Chronique d’une exposition, éditions Fage, 2017, 96 pages

Il est encore possible en France d’écrire les phrases qui précèdent sans être inculpé et incarcéré, prenons-en pleinement conscience.
Cette chronique est aussi écrite en solidarité avec Loup Bureau, jeune journaliste français détenu en Turquie depuis le 26 juillet 2017, soupçonné d’appartenir à une « organisation terroriste armée ».
L’affaire est aberrante et signe de façon cruelle la nature liberticide de l’actuel pouvoir turc.
Bonjour,
Merci pour ce bel article sur Zehra Dögan. Pourvu que ses œuvres circulent et témoignent pour elle de cette guerre.
Amitiés
Béatrice
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