
Tarjei Vesaas (1897-1970) est un écrivain norvégien liant la nature à la salvation et au mal.

Son roman Les Oiseaux, traduit en 1967 par Régis Boyer, décrit la vie âpre et magnifique dans une région lacustre de Mattis, âgé de trente-sept ans, appelé « La houpette », et de sa sœur aînée Hege.
Mattis comprend les signes que lui transmettent les bécasses, ce sont des présages adressés à un être pur, innocent.
Laure Pubert, photographe, a lu Les Oiseaux, a tremblé, secoué un peu son plumage, puis a décidé de s’envoler pour partir à la rencontre d’un personnage, d’une terre, d’un mystère.

Un être de papier se transforme en actes de chair, en échanges de regards, en errances.
Je marcherai sur tes traces, petit livre au format carré publié par Arnaud Bizalion, se fait l’écho fragile et étrange de ce voyage dans l’espace nordique, au Septentrion.
Les photographies sont généralement en noir et blanc, elles pourraient n’être pas, persistent pourtant dans leur déchirure et leur précarité mêmes, s’effacent, s’invitent en nous comme des rêves.

Leur beauté provient de leur douce singularité, de leur simple cruauté, de leur crudité, de leur candeur.
On ne comprend pas toujours ce que l’on voit, car les images que construit Laure Pubert sont bien davantage des portes de perception que des explications.
Ce sont des signes fugitifs, des petites merveilles d’interrègne.

La lumière n’est pour la photographe jamais une évidence. Aussi lui rend-elle un culte particulier, la trouvant sur un torse d’homme, sur une table de bar, derrière des rideaux de gaze.
Elle ne cesse d’exploser et de répandre ses particules, rassemblées en atomes de fleurs, en nuages d’êtres.
Il y a des cuisines sales, des yeux inquisiteurs, un couteau souillé, et, régulièrement, des mots éparpillés sur la page : « Larmes se fanent. / Rai de lumière. / Lui tord le cou. »

Une chouette veille, emblème des photographes ayant fait de la nuit en ses ondulations d’effroi une alliée.
Je marcherai sur tes pas ne prouve rien, avance à tâtons, trébuche, propose des embarquements pour des îles desquelles on reviendra jamais.
Vesaas était lié au nom de Claude Régy, qui l’a mis en scène plusieurs fois, il est désormais aussi attaché avec bonheur à celui de Laure Pubert.

Laure Pubert, Je marcherai sur tes traces, textes de Laure Pubert et Christine Delory-Momberger, traduction Kate Moses, Arnaud Bizalion éditeur, 2018, 70 pages – 30 photographies
Une partie de la série « Je marcherai sur tes traces » de Laure Pubert sera présentée dans l’exposition ContreNuit proposée à Arles par l’agence révélateur, du 2 au 7 juillet 2018, au 68 rue du Quatre Septembre

La Maison de la Photographie Robert Doisneau (Gentilly) présente l’exposition Trouer l’opacité avec les photographies de Laure Pubert, Angéline Leroux et Laure Samama, jusqu’au 30 septembre 2018