
Digital After Love est une œuvre photomusicale de Oan Kim (photographies) et Ruppert Pupkin (musique) publié par les éditions Actes Sud (un CD est inséré en fin d’ouvrage) et la Fondation Swiss Life à l’occasion de ses dix ans d’existence.
Ayant obtenu le prix Swiss Life à 4 mains, les deux lauréats ont sous-titré leur projet « Que reste-t-il de nos amours ? »
Il s’agit d’un travail « de reconstitution archéologique à partir de traces numériques retrouvées dans un téléphone portable. Celles-ci relatent une rencontre et une obsession amoureuse, sous forme de kaléidoscope audiovisuel, entre huis clos intimes et errances à travers notre monde urbain d’aujourd’hui. »
Une histoire se raconte donc, en photographies, en musiques – des ballades électro-pop pleines de charmes.

C’est un conte de peau et de sons, une femme cent fois photographiée, un homme présent par la seule matérialité de son téléphone.
Des bris de son écran, imaginer une relation amoureuse, sensuelle, ultrasensible.
Des e-mails et sms sans dessus dessous, se mélangeant, s’épousant, s’effaçant.
A la place des yeux, il est 18 heures 18 un lundi 21 Novembre.
Les pixels dansent, font l’amour, c’est un bar de nuit.
Lire « Are you home ? », « You kill me », « Parle-moi », « I’m looking for you »
Lire « S’il te plaît / J’ai besoin de t’entendre / J’ai besoin d’entendre ta voix »

Ces deux-là se manquent, se désirent, se frôlent du bout des doigts.
Un visage apparaît à peine, adorable, déité numérique.
Lui est étendu nu sur un lit, son corps possède des seins de femme, il n’y a plus qu’un vortex où tous deux échangent leur forme.
Solitude urbaine, vérités d’écrans, attente.
S’offrir à la dérobée, dans la nudité d’un couloir, d’une psyché.
Ce sont des fragments de discours amoureux, dont le charme procède de ce que nous ne verrons jamais en ne pouvant nous empêcher de le deviner.

Lire « I don’t know what to say / We have nothing in common / And I cannot give you what you want in a relationship »
L’amour, n’est-ce pas donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ?
C’est échanger un téléphone brisé.
Oan Kim et Ruppert Pupkin, Digital After Love, textes de Oan Kim, Ruppert Pupkin, Katherine Kalinin, Actes Sud / Fondation Swiss Life, 2018
Digital After Love sera présentée du 4 décembre 2018 au 28 avril 2019 sous forme d’installation vidéo-sonore dans le cadre de l’exposition Doisneau et la musique, organisée par le Musée de la Musique – Cité de la musique de Paris
Se procurer Digital After Love
Le lecteur curieux et vif comme l’anguille pourra découvrir une autre facette du travail musical d’Oan Kim en regardant le quatrième volume de la collection photographique Myopzine, de l’agence MYOP (j’ai chroniqué les précédents numéros) consacré à la tumultueuse ville de Séoul.
Ses images sont de guingois, heurtées, font boum et boum en jetant leurs chaussures sur des fils électriques.
la vie cogne, rugit, danse, tout va bien.
Dans la même livraison, Olivier Jobard consacre un travail aux réfugiés syriens marchant entre la Grèce et la Macédoine, tandis qu’Ed Alcock s’interroge sur la notion d’identité britannique à l’heure du Brexit superposant habilement des images de natures différentes.
Enfin, MYOP s’étant exposé en Arles 2018, deux cahiers restituent les propositions faites par les dix-sept photographes de l’agence « qui revendiquent une photographie qui se penche sur le monde » avec urgence.
Ce sont des portraits desdits pirates rassemblés en duos Jérémy Saint-Peyre, France Keyser, Olivier Monge, Guillaume Binet, Alain Keler, Olivier Laban-Mattei, Stéphane Lagoutte, Julien Pebrel, Marie Dorigny, Julien Daniel, Jean Larive, Agnès Dherbeys, Ed Alcock, Pierre Hybre, Oan Kim, Ulrich Lebeuf et Olivier Jobard.