
Né à Bratislava (Tchécoslovaquie) en 1968, Pavel Schmidt, fils de Pavel Schmidt, médaillé d’or aux jeux Olympiques de Rome en 1960, est un plasticien de grande singularité, à la fois sculpteur, peintre et dessinateur.
La vie et l’art ne sont surtout pas pour lui des domaines antagonistes, mais une révélation de l’un par l’autre, et de l’autre par l’un, une forme totale, sans reste.
Chez Pavel Schmidt, le principe d’assemblage est central.

Détruire par explosion ou perforation, puis recomposer, recréer, réengendrer.
Ravager, trépaner, hybrider.
Une monographie publiée par Les Cahiers Dessinés, Souvenirs à venir, rend compte de son travail à bien des égards fou, étrange, totalement personnel, magnifique.

Son chaosmos est un univers peuplé d’oiseaux empaillés, de caoutchoucs à déboucher les éviers et de vitrines bourrées de fétiches modernes : des clés, des petites statues en plâtre, des ossements.
Son laboratoire est un conservatoire, un vaste reliquaire, un cabinet de curiosité.
Les objets de peu retrouvent une valeur, les oubliés de l’Histoire officielle entrent au Panthéon.

Sur la table de travail, il y a des enveloppes, des cartons, un bric-à-brac savamment organisé.
Pour l’animal humain, petit frère de la musaraigne ou du orang-outang, tout est question de lieu, de territoire à surveiller, de repères sensitifs.
Pavel Schmidt propose un nomadisme placé sous l’impérieuse autorité de la forme-art, une traversée de l’humaine condition en des objets du rebus reconsidérés comme symbole même de la divine puissance créatrice.

La profanation est partout, omniprésente, sauvage, contre laquelle a décidé de se lever un plasticien croyant au génie des tuyaux d’arrosage et des tue-mouches duchampiens, quand l’hitlérisme était le fantasme d’un nain de jardin s’étant pris pour Zeus.
En ses chimères surréalistes, l’artiste met en scène un drame sans résolution, renvoyant chacun de ses spectateurs à l’inaperçu de ses propres sentes intérieures.
Il y a ici des godemichets fabuleux, et des tubulures de cuivre entrelacées, des maillons de chaînes et des totems de plein air, des casques à pointe et des bittes d’amarrage greffées sur des voitures en suspension.

« Aucune glaise modelée, écrit Frédéric Pajak, aucun plâtre, aucun marbre taillé ni buriné, aucun bois dévoré par le ciseau, aucune tôle tailladée : Pavel ne sculpte pas, il métamorphose. Vénus sera décapitée avant que son corps ne soit greffé sur le torse morcelé d’Apollon, ou sur la figure hilare d’un nain de jardin éclaté. »
Pavel Schmidt bricole, soude, accouple, associe, explose, raccommode, s’empare du kitsch petit-bourgeois pour en faire l’un des éléments d’un opéra de rire majeur faisant se côtoyer nymphes éventrées et clefs à molette semblant détenir des secrets capitaux, perceuses à longues mèches et colliers de fer pour bagnards.

Un ventilateur débranché fait la cour à une vulve imberbe.
C’est une pièce de haute densité poétique, comme la rencontre d’un buste de Michel-Ange et d’un presse-purée sur une table de dissection suisse.
Pavel Schmidt, Souvenirs à venir, textes de Nicolas Raboud et Frédéric Pajak, entretien avec Alexandre Devaux, Les Cahiers Dessinés, 2020, 288 pages


Étonnant !
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