Women for Women, dix-neuf poétiques photographiques

Je suis généralement dubitatif à propos des ouvrages collectifs portés par la politique des bons sentiments.

Mais, cette fois, chapeau bas, la réussite est totale, et le volume, conçu par Bis éditions, d’une élégance dont la forme ne masque pas un contenu de moindre valeur.

Et demain, Women for Women est un coffret composé de dix-neuf photographies imprimées sur des feuilles autonomes, réalisées par des femmes au profit intégral de l’Institut Womensafe.org, dont la mission première est d’apporter de l’aide à des femmes victimes de violence.

Séparés par du papier calque, les noms et esthétiques diverses s’enchaînent fluidement.

Uniques mais ensemble, guidées par un objectif commun.

Alexa Henry photographie en noir et blanc des danseuses : cette première image, ce coup d’envoi, est un moment de grâce.

Anne-Emmanuelle Thion invite au voyage à la façon de Baudelaire, comme de coller l’oreille sur le ventre doux d’un coquillage.

Audrey de Vissac est so cool. Jambes nues, soleil, laissez couler la musique.

Emilie Cayre construit un conte, amorce une fiction, observe le mouvement des ombres.

Florence Meunier photographie la nuit sensuelle et mélancolique, l’amour est une saudade.

Irène Jonas réinvente le passé en peignant à l’huile sur gélatine des personnages en errance.

Isabelle Liv contemple son inconscient dans le miroir des nuages.

Voyageant en Norvège sur les pas de Tarjev Vesaas, Laure Pubert rencontre un hibou photophore.

Marie Calmes déplace Hopper sur les rives méditerranéennes.

Marie Sordat ne craint ni la solitude, ni ce qui la déchire.

Nageant sous l’eau, Marion Vacca rencontre un enfant autiste heureux.

Maud Chalard s’émerveille du corps nu d’une ondine.

Maud Veith croit en la sororité et en la puissance de l’art comme partage.

Maya Paules préfère les enfants sauvages embrassant des crapauds aux donneurs de leçons étreignant leur matraque.

Nafissa Harvoire s’arrime au temps en photographiant sa famille – ou s’arrime à sa famille en photographiant le temps ?

Noemi Heidel robinsonne sur l’île de Palawan aux Philippines, peut-être non loin de Pierre de Vallombreuse, entré comme elle dans la volupté du sans-horloge.

Sophie Patry imagine un paysage onirique que traverse une silhouette marchant vers l’inconnu.

Sylvie Goryl aime le silence, la pudeur, les gestes lents.

Valérie Gondran lance les dés de ses diptyques comme on crée une émulsion dans l’imaginaire.

Bien entendu, poser quelques mots justes sur ces dix-neuf histoires courtes ressort de l’impossible.

A chacun de relever le défi, ou simplement de converser intérieurement avec le beau silence de chaque proposition.

Et demain, Women for Women, Alexa Henry, Anne-Emmanuelle Thion, Audrey de Vissac, Emilie Cayre, Florence Meunier, Irène Jonas, Isabelle Liv, Laure Pubert, Marie Calmes, Marie Sordat, Marion Vacca, Maud Chalard, Maud Veith, Maya Paules, Nafissa Harvoire, Noemi Heidel, Sophie Patry, Sylvie Goryl, Valérie Gondran, Bis éditions, 2020 – 800 exemplaires