Le corps et le territoire, par Margaret Lansink, photographe

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Pour aborder le radeau à la dérive des images de Margaret Lansink, photographe vivant et travaillant aux Pays-Bas, il faut une approche silencieuse, paisible, sans turbulence intérieure.

Qu’elle montre une femme dénudée, des arbres dans la nuit, ou une étendue d’eau, l’artiste néerlandaise photographie chaque fois un paysage, intime et lointain.

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© Margaret Lansink

Nous nous frôlons, nous nous devinons, nous vivons ensemble quelquefois, mais comment être certain de la présence de l’autre ?

Comment en outre ne pas douter de notre propre réalité ?

Les yeux peuvent être trompeurs, qui caressent des fantômes croyant attirer à eux des densités de chair.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Borders of Nothingness (L’Enfant sauvage, 2020) évoque une rupture, un gouffre émotionnel, la mise en place d’une distance.

Pas de hargne, ou de couteaux tirés, mais le spectacle de la beauté d’une femme qui s’en va, multipliée en plusieurs corps.

De la poussière, des atomes éparpillés, des lèvres attirantes mais fermées.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Des effets de matières, des halos de lumière, des images qui s’enfuient.

Poétique de l’écume et des fleurs séchées, des larmes contenues dans la splendeur de la vie marquée par le départ.

Cette stylistique de l’effacement, de l’esquisse, de l’effet de non finito, se retrouve dans The Kindness of one, titre de 2019, publication une nouvelle fois très soignée – textures de papiers, odeurs d’encre, reliure à la bodonienne, qualité des gris.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Magaret Lansink situe son regard dans une dimension d’infini – le cosmos, des herbes, des oiseaux, des pontons -, de tremblement, et de fragilité, donnant à ses images la force d’un arrachement, d’une exposition superbe des méandres en soi.  

Il y a ici de l’inconnaissable, des trébuchements, mais aussi une affirmation dans la puissance existentielle de la moindre chose manifestée, une goutte de pluie, un miroir, une colline, un robinet, un évier.

Tout est flux, fluidité, transmission d’énergie, dialogue dans le visible et l’invisible.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Les visions de Margaret Lansink sont parcourues de lignes, d’horizon, de brisures, de verticalités un peu tremblées, et de ciels tempétueux.

Le registre est dramatique, mais, plus que la tension, plus que l’atmosphère de destruction, voire d’extermination, il y a, dans la succession d’images en quelque sorte nucléarisées, la magnifique espérance d’un monde premier toujours là, indemne, intact.

Le visage est inquiet, la plante est étique, des morceaux de verre sont éparpillés sur le sol, mais pourtant la synagogue n’est pas détruite, ni l’hébreu, ni les prières, qui conduisent les destins, ni la musique qui réunit les âmes.

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© Margaret Lansink

Se retirant, se cachant dans la pénombre plus ou moins profonde des nuits, le monde n’a pas totalement failli, qui continue de s’édifier à travers les rideaux de la mélancolie.

Le lit est vide, mais tout est par ailleurs si parfait dans l’ordre des montagnes et des nuages les couronnant.

Le travail de la photographe hollandaise se rappelle des catastrophes du siècle de la Shoah, sans oublier le sublime du simple fait d’exister, sous un pont, dans une avalanche, dans la mémoire d’un ou d’une aimée.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Les rues sont vides encore, hantées par les disparus.   

Chez Margaret Lansink, tout est corps, même l’absence.

Tout est peau, écorce, voile et dévoilement, ce que traduit de façon exemplaire Body Maps, livre de très grand format publié par Origini Edizioni avec la perfection qu’on connaît à cette maison d’édition dédiée aux livres d’artiste.

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© Margaret Lansink – picture from the book-copublication Ibasho and the(M)éditions

Sentiment d’un vaste sommeil doré, d’une présence hypnagogique, d’un monde flottant.

Le paysage du petit matin est gelé, mais tout se déploie, et se déplie – au sens propre – dans une lumière de rédemption.

Il y a des papiers collés, des transparences, des calques.

Body maps est un objet sensoriel de haute intensité, une extase calme, le peau frémissante d’une belle endormie.

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© Margaret Lansink

Discrètement, mais avec une élégance folle, Margaret Lansink invente un royaume où abandonner toute prétention de maîtrise.

Son œuvre est une passe magnétique, une aimantation psychique sans commune mesure, une musique très fine à la limite du perceptible, et pourtant puissante.

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Margaret Lansink, Borders of Nothingness/Christopher de Béthune, Orion, layout Studio Dirk, L’Enfant Sauvage, 2020 – 800 exemplaires

Editions L’Enfant sauvage

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Margaret Lansink, Body Maps, Origini Edizioni, 2020 – 75 exemplaires signés et numéroté

Origini edizioni

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Margaret Lansink, The Kindness of one, poetry Rene van Hulst, text Katherine Oktober Matthews, design and editing Akiko Wakabayashi, lithography Marc Gijzen, publisher Kaunas photography gallery in cooperation with Wewest, 2019

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Wewest

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© Margaret Lansink

Site de Margaret Lansink

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