© Norm Diamond
Les habitués des clubs de fitness modernes vont avoir un choc, car chez Doug, au Texas (downtown), ça sent la sueur des années 50, les rudes altères et la peinture écaillée.
Rien ne semble avoir changé depuis la création de ce club de gym et de boxe, mais tout y est vrai, aussi neuf et usé que son propriétaire, devenu avec le temps la véritable institution du quartier.
© Norm Diamond
Le photographe Norm Diamond l’a rencontré, s’inscrivant même aux séances d’entraînement, ayant sûrement quelques kilos à perdre.
On pourrait être à l’intersection de Million Dollar Baby, de Clint Eastwood (2004), et des salles où, dans la Belgique des frères Dardenne, le Kid de Charleroi (livre de Thomas Fliche chez Imogène en 2019) exerce ses talents de boxeur.
Il faut monter un escalier menant à un beau parquet, respirer à fond, et ne pas craindre de se remodeler un corps à coups d’exercices à l’ancienne sur des machines pas très fun mais ayant fait leurs preuves.
© Norm Diamond
Alternant les portraits des usagers et des lieux, le reportage photographique de Norm Diamond, souvent en lumières ambrées et clairs-obscurs, est d’une belle tonalité mélancolique.
Car bientôt la boutique va fermer, Doug a assez donné, il est sûrement temps de rénover et d’entrer dans la révolution numérique.
Pour le moment encore, des gants de boxe attendent les courageux, comme les installations à bouts de souffle, les bancs au cuir longuement tanné, craquelé, craqué.
© Norm Diamond
Dans son bureau, Doug fume le cigare, ouvre une boite de sardines avec son couteau. Il ne cherche pas comme tout un chacun désormais son quart d’heure de gloire, il est là, depuis des décennies, fidèle au poste, imperturbablement.
Il organise, conseille, pacifie, c’est un esprit tutélaire calme et bienfaisant, le genius loci pas glamour pour deux sous, mais terriblement efficace.
Il y a des posters déchirés, des figurines, l’ombre de Muhammad Ali the greatest, des casiers hors d’âge.
© Norm Diamond
Les tatoués vont pouvoir cogner, mieux vaut la rage contre un sac de sable que la haine de soi.
Le sport, c’est la santé, la sculpture du corps, une garantie de séduction.
Doug ne porte pas de baskets de collection, mais soigne sa moustache, et ses clients, dont on peut deviner qu’ils sont surtout ses amis.
© Norm Diamond
Il est sûrement un peu hâbleur, raconte à qui veut qu’il a croisé le président Kennedy quelques minutes avant son attentat.
Si la légende est plus belle que la vérité, disait John Ford en substance, pourquoi se priver de la légende ?
Norm Diamond est là, en immersion, peinant comme tout le monde, conscient de photographier une Amérique invisible dans un lieu où la souffrance des muscles est la première des démocraties.
© Norm Diamond
Soulever des poids n’est-il pas notre destin à tous ?
Passent des beaux mecs quelquefois, travailleurs, consciencieux, impitoyables envers eux-mêmes. A eux de reprendre le flambeau quand tout fout le camp, que l’Amérique perd son âme, et que la gloriole a remplacé l’effort.
Norm Diamond photographie un monde qui se meurt : place désormais aux paillettes, aux pixels, aux falsifications par ordinateur.
Doug’s Gym ne fait pas dans le spectaculaire, c’est un livre sur les rêves, la solitude à assumer, et les partages pudiques.
Norm Diamond, Doug’s Gym, texts Norm Diamond, Roy Flukinger, Kehrer Verlag Heidelberg Berlin, 2019, 112 pages
© Norm Diamond
Assez impressionnant !
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