© Avril
Le virage numérique dans tous les pans de la société s’accélère, qui devient plus qu’une injonction, une obligation civique.
Le bon citoyen était un bon consommateur, il faudra désormais qu’il soit multiconnecté, augmenté, décérébré.
Heureusement, il y a Lascaux pour nous rappeler qui nous sommes, et le geste de dessiner quand il s’appelle par exemple François Avril.
© Avril
Nous pouvons aujourd’hui le découvrir (catalogue chez Huberty & Breyne, à Bruxelles et Paris) en une impressionnante série de 324 dessins, présentés dans l’ordre chronologique, où éclate son art de la composition, des volumes, du rythme.
On est bien chez lui, à la campagne ou au pied de ses buildings.
On est une silhouette qui voyage, en Bretagne, à New York, à Venise, à Londres, à Hong Kong, en Belgique, avec curiosité, et légèreté.
© Avril
La forme des villes saisies jusqu’à l’épure intéresse Avril, mais aussi l’organisation des rochers sur une grève, ou une maison de campagne.
Pas de tonitruance, mais une façon d’appréhender le monde sur la pointe des yeux, avec beaucoup de sagacité et une vitesse d’exécution valant pensée.
Aucun ressentiment, aucune passion négative, mais le monde donné dans son architecture, sa logique interne, ses chemins de circulation.
Pas de repentir, de la sensation, du flux, de l’énergie.
© Avril
Avril voyage sans cesse, traduisant tout par la mémoire, redonnant à chaque lieu, non ses traits exacts, objectifs, mais sa substance, sa raison d’être.
Les réseaux le fascinent, la façon dont les vies circulent, sont guidées par les bâtiments, s’inventent.
On lui dit pour le piquer qu’il est un dessinateur de carrefours ? Réponse : « Mais, merci pour l’éloge ! »
© Avril
Il aime le rouge, les lignes verticales, les enchevêtrements, mais aussi la clarté, l’appel du vide qui est un principe unificateur, les touches de couleurs.
Aucune angoisse, un geste sûr, une grande paix, un accord entre les éléments naturels et les décors urbains.
Avril ne pense pas dichotomie mais unité, continuités de paysages dans la psyché, de Tokyo à Paris.
Ses natures mortes sont merveilleuses, ce sont des esprits incarnés, à la façon des compositions du maître Giorgio Morandi.
© Avril
Pas de surcharge, pas de contradictions.
Avril assume la solitude de ses personnages, qui n’est pas un effet d’atomisation de l’individu dans une société évacuant l’humain au profit du capital, mais une juste mesure d’être, pudique et rayonnante.
Avril dessine sobrement, et avec beaucoup de grâce, la grande machine de la vie.
Avril, 324 dessins, préface de François Landon, conception graphique François Avril et Jérémie Dequéant, Huberty & Breyne / Les Arts dessinés, 2021 – 1500 exemplaires
Ouvrage produit à l’occasion de l’exposition éponyme de François Avril tenue en mars 2021 à la galerie Huberty & Breyne, à Bruxelles
Exposition en cours jusqu’au 24 avril 2021 (dates à vérifier): Philippe Berthet, La Fortune des Winczlav