La fulgurante beauté de l’éphémère, par Miho Kajioka, artiste visuelle

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©Miho Kajioka

Le grand œuvre de la photographe Miho Kajioka, née en 1973 au Japon, vivant et travaillant à Kyoto, est une méditation sur la beauté de l’éphémère.

Pas de capture, mais des saisies discrètes, des prélèvements à l’instinct décisif.

Employant des méthodes d’impressions alternatives, Miho Kajioka invente dans le secret de son laboratoire, à partir de ces premiers matériaux issus de la réalité, des objets de haute densité poétique.

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©Miho Kajioka

Son livre So it goes (the (M) éditions) a remporté le Prix Nadar en octobre 2019, alors que son dernier-né en France, publié avec une grande élégance, sur un papier épais, aux éditions IIKKI, Flowers bloom, butterflies come, est déjà quasiment épuisé.

Pourquoi tant de ferveur ?

Parce que le principe de ces images où apparaissent régulièrement des oiseaux, ou des traces de leur vol, est éminemment musical, et aérien, comme des mondes flottants fixés sur des panneaux verticaux, dans la tradition des cloisons japonaises – ce pourrait être aussi des lamelles d’un vaste éventail.

Parce que les signes sont ténus, à peine reconnaissables quelquefois, et qu’ils demandent à chacun une mise au point intérieure.

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©Miho Kajioka

Parce que ce qui apparaît pourrait ne pas être, et que ce que nous voyons ne possède peut-être que la consistance d’un rêve.

Le monde n’est donné qu’en fragments entrecoupés de blancs, de vides, de silences.

Des formes végétales, des ailes, une vache minuscule dans le lointain.

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©Miho Kajioka

Il y a ici quelque chose du cinéma expérimental de Marguerite Duras, dans la répétition, dans la discontinuité, dans l’énigme des syncopes.

L’œil est une planète sidérante où se posent des hirondelles, des fleurs de cerisiers, des plumes de paon, des neiges.

Miho Kajioka construit des tableaux oniriques, des séquences narratives d’images-temps, des scènes en suspension.

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©Miho Kajioka

L’horizon comme un trait de plume, des damiers comme chez Edouard Taufenbach (voir son livre avec Régis Campo, Le Bleu du ciel, chez Filigranes Editions, 2020), une musique céleste.

La nuit se tient du bout des doigts, c’est un papillon à ne surtout pas froisser.

On avance dans le noir, on tâtonne, on ne sait pas d’où viendra le couteau de sacrifice qui nous déchirera le cœur.

Tout est diaphane, translucide, évanescent, et profondément opaque.

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©Miho Kajioka

L’arête d’un nez, une méduse, un fil électrique, des enfants jouant au ballon.

Tout est séparé, mais tout est aussi mystérieusement lié, en accord, en répons.

La raison doit aussi cesser de monter la garde, pour que s’ouvrent en soi des porches d’une compréhension bien plus subtile que la logique causale des plans euclidiens.

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©Miho Kajioka

Il faut apprendre à vivre dans un monde quantique, un monde où une femme japonaise peut enfanter d’un cerf en Europe, et où les forêts de bambous sont des bâtons de chamanisme.      

Miho Kajioka ne livre pas de clefs interprétatives, laissant ses images libres de résonner en chacun comme des notes très intimes.

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Miho Kajioka, Flowers bloom, butterflies come, directeur d’édition et publication Mathias Van Eecloo, IIKKI (volume 14), 2021, 96 pages – 750 exemplaires (il en reste moins de dix)

IIKKI – site (avec bande son)

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Miho Kajioka est représentée par Polka Galerie – site

Flowers bloom, butterflies come est le résultat d’un dialogue entre la photographe Miho Kajioka et les musiciens Craig Tattersall et Ian Hawgood [observatories] – diffusé sur vinyle (300 copies) et cd (200 copies)

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Se procurer Flowers bloom, butterflies come

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Bballarati dit :

    Je confirme, chef d’oeuvre ! Egalement le livre « And where the peacocks go », superbe objet avec un carnet en papier de riz (?) glissé dans une pochette sur le 4ieme de couverture.

    J’aime

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