©Gäel Bonnefon
Le renversement du pouvoir apparaît comme inéluctable.
Le paramétrage de l’espace vital par les procédures numériques et les datas est en cours, il va s’intensifier, les êtres libres, en esprit et en corps, seront de plus en plus menacés, jusqu’à être lynchés publiquement.
En attendant l’équarrissage, il est encore possible d’exprimer sa rage, ses désirs bruts, ses rêves d’échappée, d’indiquer des contre-allées, de tourner le dos au troupeau bêlant de la moraline.
©Gäel Bonnefon
On écrit parce qu’on a honte d’appartenir à l’espèce humaine, parce qu’on a honte de ses voisins, parce qu’on a honte de soi, on cherche des formules, on se laisse happer par le vertige d’un verbe plus savant que les petitesses communicationnelles qui nous tiennent lieu de langue en multipliant les laisses.
Gaël Bonnefon me plaît parce que son art possède un corps de boxeur, de torero, de punk à chien.
Son art me plaît parce qu’il est éminemment sensuel, et qu’il montre que la recherche de l’extase est la plus haute des politiques.
©Gäel Bonnefon
Même soleil, nouvel opus des éditions IIKKI, relève une nouvelle fois le défi de la survivance par la beauté sans apprêt.
On se souvient peut-être du film de Chris Marker, Sans soleil (1983), éloge des peuples capables de surmonter par les rites, les fêtes, les fraternités immédiates, un quotidien parfois infernal, œuvre cinématographique au montage de haute voltige auquel répond superbement l’essai photographique du Toulousain.
Tout commence par un bain de lumières troubles, telle une amniotique fantastique.
©Gäel Bonnefon
Une maison sans luxe apparaît, puis un marcheur dans quelque ville américaine où l’errance est une façon de différer le suicide.
Des halos, des routes, des ciels encombrés de mélancolie, et le grain des images si fin, si prégnant, que l’on pourrait croire à une nouvelle explosion atomique.
Le paysage est irradié, un arbre, un pan de mur jaune, un sol bitumeux.
©Gäel Bonnefon
Dans cette atmosphère d’apocalypse, il y a des visages et des corps de femmes, comme il y a des étoiles solidement accrochées à la voûte céleste.
Il y a des jungles fushia peuplées de plantes carnivores et de fougères immenses.
Des gardiennes de temples secrets portant des sweats à capuche.
©Gäel Bonnefon
Une nymphe nue aux seins orange attendant qui saura sortir de la prison de son existence pour venir l’aimer follement.
Dans le Walhalla de Gaël Bonnefon, dans quelque Ariège perdue de l’imaginaire, les flots cataractants emportent avec les villes avilies les derniers égarés d’une civilisation à bout de souffle.
Le paradis n’est pas là-bas, mais ici, lorsque l’œil caresse le dos d’une vierge blonde, le faîte d’un arbre juvénile, l’eau d’une cascade de montagne.
©Gäel Bonnefon
Il faut s’embarquer, avoir le courage de quitter ses vieilles attaches, ne s’en remettre qu’à la seule police des nuages et à la preuve des plus chauds baisers.
Tout le reste est de l’ordre du mal ontologique, du massacre des innocents, du révolver social pointé contre la tempe des plus vivants.
Même soleil, oui, et jusqu’à ce que nous brûlions totalement de sa vérité.
Gaël Bonnefon, Même soleil, musique Frédéric D. Oberland, directeur d’édition et de publication Mathias Van Eecloo, IIKKI, 2021 – 400 exemplaires
Même soleil est aussi une musique hypnotique – free jazz, feulements de sax, pépiement des cuivres, fraîcheur des sons – du mage Frédéric D. Oberland travaillant de l’autre côté du miroir.
La planète Terre est un astre mort, Houston ne répond plus, nous flottons dans une station spatiale ravagée par le feu.
©Gäel Bonnefon
Ami, amie, quelle sera ta dernière prière ?
Est-il encore temps pour sauver ton âme ?
Te voici arrivé au jour du Jugement dernier.
Tu es entré dans une nuit interminable, définitivement seul.
Ecoute, vois, dévêts-toi de toi.
©Gäel Bonnefon