©Bertien van Manen
Monographie de référence concernant le travail de la photographe néerlandaise Bertien van Manen Archives, publié à Londres par MACK et pensé par le designer Hans Gremmen, est un superbe ouvrage, indispensable pour qui souhaite découvrir le journal-œuvre au long cours d’une artiste utilisant un simple appareil photo instantané afin de ne pas intimider ses sujets en apparaissant comme une force de capture.
Témoigner de la vie brute, de l’intimité, de la vie sans fard, saisie lors de voyages en Europe, en Amérique – notamment dans les Appalaches -, en Chine et dans l’ex-Union soviétique, telle est l’ambition d’une photographe ne séparant pas le poétique du prosaïque.
©Bertien van Manen
On pense bien entendu à Robert Frank, à sa façon humble et affirmée de rendre compte de ce que la vulgate photographique dominante pourrait appeler des temps faibles, mais aussi à Johan Van der Keuken pour son amour des visages et sa puissance documentaire.
Reprenant l’ensemble des séries majeures de l’artiste, Archives dévoile également des inédits comprenant nombre d’autoportraits en noir & blanc ou couleur, des bouts de planche-contact, le quotidien en sa fausse banalité, sa sensualité, ses douleurs, ses drames.
©Bertien van Manen
Photographiant son bureau, Bertien van Manen montre davantage qu’un lieu de travail, mais un espace sacré, une matrice.
Des enfants jouent à la carabine ou grimpent aux arbres – série Home, 1970-1980 – à une époque où l’on avait encore le droit d’être nu en photographie sans que l’on se mette à soupçonner la moralité du regardeur/parent.
©Bertien van Manen
Des garçons, une fillette entrant dans l’adolescence, un père jouant au football avec eux.
Une mère photographie sa famille, le temps qui fuit, la beauté de l’éphémère.
©Bertien van Manen
Autre atmosphère à Budapest (1975) dans les souterrains et les transports en commun. Il fait froid, tout est gris et noir, ou d’un blanc immaculé, les visages ont l’inquiétude des habitants vivant sous une dictature. En Roumanie (1990), il y a une tempête de neige.
Aux Pays-Bas, Bertien van Manen photographie avec beaucoup de délicatesse les travailleurs de l’immigration (1975-1979), notamment les femmes, mais aussi les religieuses en habit (1985).
©Bertien van Manen
Place maintenant à la série Appalachian Moutains (1985-2013), aux fêtes un peu hippies, aux maisons en bois, à la vie sauvage dans un pays en déréliction – on est loin ici des grands centres culturels et des lieux de pouvoir.
Les photographies de voyages en Union Soviétique (1991-2009) sont peut-être les plus étonnantes, les plus marquantes, les plus folles, entre underground et imagerie officielle.
©Bertien van Manen
©Bertien van Manen
©Bertien van Manen
Les femmes sont très belles, Bertien van Manen sait les regarder avec une empathie toute sororale.
Bien sûr, il y a trop d’alcool et de mélancolie, mais quel autre chemin choisir que l’ivresse quand l’absurde semble former le seul horizon possible ?
En attendant, on ne cesse naître, de mourir, d’essayer de tenir le coup, à Amsterdam comme en Chine (1997-2020).
©Bertien van Manen
Comment s’aime-ton ici ? comment s’aime-t-on là-bas ?
Comment grandit-on ici ? comment grandit-on là-bas ?
©Bertien van Manen
Nous sommes des égarés sublimes croyant encore au pouvoir de l’union, et de l’art.
Bertien van Manen, Archives, graphic design Hans Gremmen, MACK (London), 2021, 384 pages
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