
©Elie Monferier
Se présentant sous pochette Kraft, Sacre, d’Elie Monferier, livre au format vertical imposant, est une nouvelle fois d’un impact visuel très puissant.
Alors que le monde disparaît à vue d’œil, que la numérisation des existences est en cours accéléré, que le bouclage à l’échelle mondiale des émotions et sensations dans la prison de la moraline est sans commune mesure, il reste des gestes d’effraction, des possibilités d’expériences extrêmes, un combat renouvelé et sans relâche avec nos démons intérieurs.

©Elie Monferier
Parce que le mur s’épaissit, que l’exil intérieur s’accroît, que l’amour manque, Elie Monferier sort le couteau sanglant, et observe au plus près les cicatrices atroces des derniers vivants.
Plongeant son regard dans une grotte originelle, l’auteur de Sang noir (2019) et de Fable (Origini Edizioni, 2021) pense l’archaïque comme un devenir, un horizon, une civilisation.
Il faut à la complexion d’Elie Monferier de la matière, de la chair, des lumières aveuglantes déchirant les ténèbres.

©Elie Monferier
Des seins aux tétons androgynes, des épidermes marqués comme des parchemins médiévaux, et des envols d’oiseaux blancs sur l’écran de la nuit.
Des mains rongées, des portes érodées, des blocs de silice érigés dans l’obscurité comme des flèches de cathédrales.
Chacun prend des coups, les visages sont tuméfiés, la petite fille adorable est maintenant une femme sans espoir.

©Elie Monferier
Il y a dans Sacre une atmosphère de tragédie.
Les cieux se préparent à sacrifier des innocents, dont le baptême intégral dans quelque rivière d’argent ne suffira peut-être pas à les protéger d’une fureur sans limite.
Un couple s’étreint, une main presse une poitrine, les pieds sont pleins de boue.

©Elie Monferier
Dans le sublime de paysages envahis de ténèbres et de nuages bleutés, plane une menace.
D’où viendra le crime ? Qui égorgera la pauvre bête destinée au trépas ? Qui participera au festin de sang ?
Sur le blanc crème des pages, il y a parfois des phrases, seules, comme des éclats de voix perçant le silence : « Dernier Tango surgissant de la pluie, du brouillard, de la nuit de l’existence, parmi nous, Dernier Tango danse et on a les bottes tout humides. » / « Après on s’endort sur les tables. Les phares des voitures se jettent dans les fossés. » / « Que reste-t-il du monde qui ne sera plus ? Des éclairs et de la pluie battante. Des territoires désertés. Un coup de fusil au loin. »

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Un verre est ébréché, coupant les lèvres, les pleurs sont interdits.
On fait l’amour comme s’il s’agissait de la dernière fois, on se cogne, on s’attrape à la gorge, on s’étouffe.
« Tout est question de rapports de force, de la violence qui marie les êtres, et de forces plus grandes, plus vives, plus mystérieuses, où se mêlent l’odeur des charognes et des nourrissons, le bruit des feux de paille et des éclairs de chaleur, le pressentiment de l’orage à venir. »

©Elie Monferier
Tout est friction, affliction, perdition.
Tout est sursis, sauvegarde, sauvagerie.
« On me dit qu’il faut prendre garde aux murmures, sifflements, claquement de langues. Les moissons se monnaient à la prière. Les vengeances courent sur des générations. Ici, c’est courant. On se signe devant les chouettes clouées aux portes des granges, on baigne le linge des époux dans les sources, on dispose du sel sous les mangeoires. »

©Elie Monferier
Il y a un berger, un chasseur, et un drôle de photographe se souvenant de ses vies antérieures.
La montagne gronde, les murs de la ferme crient de douleur, on entend des gémissements de jouissance.
Dans la fausse indifférence des futaies, des corps se déchaînent.
On ne saura bientôt plus quel est notre prénom.

©Elie Monferier
Dans le monde mystérieux et cérémonieux d’un artiste regardant intensément des buissons de ronces brûlées et les animaux dépecés, il y a une pulsion d’énergie radicale.
La terre se soulèvera bientôt, nous ensevelissant sans espoir de retour, et ce sera alors la pesée des âmes.

Elie Monferier, Sacre, texte Elie Monferier, autopublication, 2022 – 122 exemplaires numérotés et signés

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