
©Antoine Leblond
Dans un texte inscrit sur feuille libre insérée dans son livre intitulé monuke, Antoine Leblond explicite son projet artistique : « monuke, qui signifie exuvie en japonais, est l’enveloppe rejetée par le corps lors de la mue des insectes et des crustacés. Comme un organisme, le Japon est en constante métamorphose. Les villes se transforment, les villages se dépeuplent, des bâtiments sont démolis, d’autres tombent dans l’oubli et s’offrent alors à la caresse érosive du temps. Démarré en 2017, ce travail est une tentative de montrer le Japon à travers les marques visibles de l’absence, de la disparition, du sacré et de l’abandon du sacré. »
Fondateur en 2020 de La Figue Editions, Antoine Leblond est à la fois amoureux du Japon et de l’objet imprimé.

©Antoine Leblond
De format vertical, monuke – traditionnellement, le japonais s’écrit verticalement en colonne allant du haut vers le bas et en s’ordonnant de droite à gauche -, propose un ensemble de kanjis photographiques de grande beauté désignant la force de l’atemporalité en transmettant la sensation de l’éphémère et du fragile.
En noir & blanc et nuances de gris, les photographies d’Antoine Leblond témoignent, dans le grain perceptible de chaque image, d’un rapport à la réalité envisagé comme cosa mentale.
Tout s’élabore ici entre apparition et disparition.

©Antoine Leblond
Un mur sali par le temps duquel des écritures en relief sont tombées.
Une ligne effacée menant à un passage souterrain dont les parois s’effritent.
Des lézardes dans le ciment.
Des bouddhas en série comme autant d’objets de consommation promis à la dégradation rapide.
Des traces de lumière, des moisissures, des murs couverts de suie.

©Antoine Leblond
L’agencement des formes tient de la plus haute pensée civilisationnelle, comme celle-ci se soutient de la fécondité des symboles traversant le temps.
Cadrées avec soin, les scènes vues sont moins abstraites que d’une existence très singulière ne devant rien, ou si peu, à la figure humaine.
Un oculus métaphorise cependant le regard de l’artiste français, entre ironie et monstruosité.

©Antoine Leblond
On écrit, on coud, on photographie.
On maçonne, on obstrue, on édifie.
monuke expose la présence et l’absence, le vide et le plein, l’effort d’être et le désêtre.
Même quand il érode les signes religieux, le temps n’est pas sacrilège, préparant à d’autres manifestations de l’invisible.
Antoine Leblond aurait-il construit un livre shintoïste ?

©Antoine Leblond
Il n’est pas interdit d’en faire l’hypothèse, tant tout bruit ici d’une vie intérieure intense, d’une autonomie de présence ne devant rien aux calculs humains, d’une étrangeté presque surréalisante.
L’homme, cher Protagoras, est-il vraiment la mesure de toute chose ?
Non, plutôt la tension tourbillonnante du vide en lui.
Antoine Leblond, monuke La Figue Editions, 2022 – 200 exemplaires numérotés
©Antoine Leblond
monuke a été soutenu par la fondation franco-japonaise Sasakawa