
Bicentennial Fete, Browerville, Minnesota – 1976 © Tom Arndt
Pour la majorité des amateurs de photographie, le nom de Tom Arndt est probablement inconnu, qui le sera moins avec la publication en majesté par Atelier EXB de sa remière monographie en français Reflets d’Amérique.
Né en 1944 à Minneapolis, Tom Arndt, qui a travaillé toute sa vie à l’argentique, développant lui-même ses images en de subtiles nuances de gris et de noirs, conçoit sa pratique comme une façon de condenser dans le cadre photographique les instants d’un film ininterrompu se confondant avec la vie.
Considéré comme un maître de la photographie documentaire, il n’en est pas moins poète, cherchant en chaque situation son point de grâce, d’étrangeté ou de beauté quasi abstraite.
Dans la tradition européenne issue du surréalisme, mais passée au filtre de la rigueur du géométrisme américain, bâtissant par ses buildings des cathédrales modernes pour âmes perdues/éblouies/ivres de puissance, les vitres et diverses surfaces transparentes attirent son œil, qu’elles mettent en abyme en questionnant la nature même de la vision.

Chicago – 2000 © Tom Arndt
S’il a beaucoup photographié sa ville et son Etat (le Minnesota), Arndt a parcouru en tous sens son pays et ses métropoles (New York, Chicago, Los Angeles), comme les campagnes, s’attachant sans cruauté à faire le portrait d’une middle class lui ressemblant peut-être, le photographe refusant d’adopter la position d’extraterritorialité que prennent quelquefois les artistes.
Colligeant près de soixante ans d’images – dîners, comices agricoles, vitrines de magasins, choses vues -, Reflets d’Amérique montre un pays peuplé d’êtres solitaires, parfois égarés, dont la rédemption ou le salut semble résider dans la puissance de l’espace qui les contient, souvent de nuit et illuminé par les néons des fêtes profanes.
Les rues sont vides ou quadrillées par les ombres des bâtiments, la foule se presse, dans les vitrines les mannequins ne semblent pas moins vivants que les passants.

Minneapolis – 1970 © Tom Arndt
Attentif aux écritures des enseignes peuplant notre quotidien (Grill, Furniture, Walgreens, Irenes, Paint…), Tom Arndt aborde l’existence dans sa dimension hiéroglyphique, et séduisante par la forme de ses Cadillac ou de ses saloons ruraux, avec une douce ironie rappelant quelquefois Lisette Model – mais aussi,, à observer la variété de ses registres, Walker Evans, Lee Friedlander et Diane Arbus, sans que leurs œuvres ne soient bien évidemment absolument superposables.
Ne photographier qu’au noir & blanc n’est pas anodin dans un pays où les conséquences de la ségrégation raciale sont encore patentes, et où ces polarités s’affrontent avec violence chaque jour, mais l’auteur ayant participé récemment à l’exposition Train, zug, treno – Destins croisés à Lausanne (le catalogue en trois volumes réunis sous cartonnage est une réussite) ne cherche absolument pas à explorer ces antagonismes, plutôt à accueillir chacun dans sa fenêtre de vision, en attestant comme tous les grands artistes du combat en chaque personne et chaque lieu entre les ténèbres et la lumière.
Dans un entretien avec ses éditeurs, Tom Arndt déclare : « Je continue de photographier les gens que je croise dans ma vie, ils font tous partie de mon album de famille qui est en constante expansion. Quand j’y repense, tout a commencé lorsque j’avais neuf ans, avec nos photos de famille. »
Et le cadeau d’un premier Kodak Brownie Hawkeye.

Tom Arndt, Reflets d’Amérique, textes Sarah Hermanson Meister, Yasufumi Nakamori, édition Nathalie Chapuis avec la complicité de Philippe Séclier, conception graphique Nolwen Lauzanne, Atelier EXB, 2022, 152 pages
https://exb.fr/fr/home/552-reflets-d-amerique.html

Sleepy Eye, Minnesota – 1985 © Tom Arndt
Tom Arndt est représenté en France par la Galerie Les Douches, et aux Etats-Unis par la galerie Howard Greenberg
https://www.howardgreenberg.com/artists/tom-arndt
Exposition éponyme à la Galerie Les Douches (Paris) du 4 novembre 2022 au 21 janvier 2023
https://www.lesdoucheslagalerie.com/
