
©Bernard Plossu
C’est un document de travail brut, sans aucun texte explicatif, le fac-similé d’un grand cahier à spirale où le photographe Bernard Plossu colle par thèmes des petits tirages de lecture précisément numérotés/légendés afin de les retrouver rapidement dans ses immenses archives.
Il y a quelque chose d’expérimental dans la présentation, sans appareil critique ni le moindre apprêt, de cet Album de travail faisant songer au numéro spécial que lui a consacré récemment la revue Mettray (Didier Morin) à propos de ses expériences formelles.
On découvre dans ce cinquième livre publié par les Editions Marval-Visconti – après Trois heures avec Isou, Paris-Matic 1970-1990, Autoportrait 1963-2012, Plossu Paris – près de trente ans de travail, de ses débuts à la fin des années 1980.
« A force de voyager et de bouger tout le temps, confie le maître français, j’ai décidé un jour, vers la fin des années soixante-dix d’organiser mes photos et de les classer, en découpant les planches-contacts pour ne conserver que les meilleures, afin de les avoir toutes réunies pour un choix ultérieur. Sous chacune, j’ai inscrit le numéro de film, parfois le lieu et l’année… et je les ai rangées par pays ou par thèmes : un outil de travail passionnant et devenu essentiel me permettant efficacement de tout retrouver lorsqu’il s’agit de faire des tirages. Je m’en sers encore aujourd’hui, et il me permet de revoir les années passées, et le temps qui glisse si vite, doucement, l’air de rien. »
Dans ce volume dédié à son épouse, la photographe François Nunez, surgissent en quelques minutes des années de travail.
Nous sommes au Niger en 1975, et ce sont des portraits, des bâtiments, des sables, dans un cadrage toujours attentif au mystère de l’existant et à la noblesse des êtres.
Rien n’est précipité, mais tout est vif, saisissant, d’une grandeur sans grandiloquence.
Le désert est l’un des lieux fondateurs de Bernard Plossu qu’il soit d’Afrique, ou de l’Arizona.

©Bernard Plossu
Sénégal 1976.
La page notée Andalousie est blanche, les images sont dans le cœur.
Egypte 1977.
Une évidence éclate : Bernard Plossu est peut-être le plus sensuel des photographes français. Pour cela, pas besoin seulement des courbes féminines – son Album comporte deux nus merveilleux -, mais de toute la matière du vivant.
Ce livre précieux pour comprendre la méthode et les obsessions du photographe pourrait être un Atlas, répertoire de formes, inventaire passionnant pour tout apprenti regardeur, qu’il soit de la belle école supérieure d’Arles ou d’un collège des Hauts-de-France.
Maroc 1975 – bonjour Francis Kauffmann.
Il y a quelquefois des inscriptions annexes au crayons gris, des notules – « A tirer », « Attention », « Burbank », « avec personnage ? » – et autres remarques plus sibyllines pour le non-initié.
Paris.
Le Vent – quel beau thème à la Victor Sjöström ou à la Joris Ivens.
Paris – beauté des nuits, des contrejours, des traces diverses.
Cinés US – voir l’exposition La Cinégraphie de Bernard Plossu au musée Ziem de Martigues.
Chamonix. Alpes 76 – le photographe est d’une famille de montagnards émérites installés à Grenoble.
Port-Cros.
Paris.
Cave.
Paris.
France.
Musée d’outre-mer.
Le Nord (France).
Nature prisonnière.
Espagne. Madrid 74.
Paris.
Instamatic.
Montagne France.
California.

©Bernard Plossu
Mexique 1965/66 – ah, le fameux Voyage mexicain (réédité en réalité augmentée par Claude Nori aux Editions Contrejour, article à venir).
Les parisiennes – grand bonheur.
Paris 85/86.
New York.
50 mm 1965-1972 (Absence-présence / Silence / Voyage / Absurdie)
Grand Angle Silence – Absence/présence – voyage – Absurdie 1970/71/72.
Flous.
Souvenirs.
Surbanalisme 1970/71.
Contact-Stories 1970/71.
Mexique 1970.
Haight – Ashbury 1967 (grand angle 28) – la belle geste hippie.
Immeubles étroits.
Noms de maisons à Etretat.
Rome.
Désert.
Espagne Barcelone.
American Desert (II)
Utah/Nevada/Texas/Oklahoma.
England (Past)
Photo.
Shane – l’enfant américain de Bernard Plossu.

©Bernard Plossu
Arizona.
Monuments Arizona.
Cow-boys and indian signs.
Natures mortes.
Port-Cros.
The Sea.
Alpes/Chamonix 1976.
Natures mortes.
Past.
Porquerolles.
Sud France – Le Midi.
Sud.
France – un constat : Depardon, c’est très bien, important, magistral, mais Bernard Plossu, c’est mieux encore.
California.
Los Angeles.
San Francisco.
Atelier Gazan.
California.
Self-Portraits.
Mexique 1981.
New Mexico – où le photographe a vécu longtemps.
New Mexico Revisited.
Ranchos de Taos – voir la très belle édition d’artiste publiée il y a quelques semaines par Guillaume Geneste (article dans L’Intervalle).
Santa Fe.
N.M.
Albuquerque.
Natures Mortes.
Alb.
Miniatures New Mexico.
Par l’étendue de ses recherches et la multiplicité des images collées les unes à côté des autres comme un vaste plan de cinéma mental, par la folie superbe des fragments colligés, apparaît quelque chose comme la nature vaudouisante de l’appareil photographique.
Non, photographier n’est pas neutre.
C’est, Bernard Plossu en a parfaitement conscience, une responsabilité envers les âmes, qu’elles soient humaines ou non.

Plossu, L’Album de travail, éditions Marval-rue Visconti, 2023, 200 pages
https://www.ruevisconti-editions.com/pages/edition/livre-bernard-plossu-album-de-travail.html

Exposition La Cinégraphie de Bernard Plossu, Musée Ziem (Martigues), du 17 juin au 1er octobre 2023
https://www.martigues-tourisme.com/programme-musee-ziem.html

©Bernard Plossu
A l’occasion de l’acquisition par la ville du Havre de l’œuvre d’Albert Marquet Le Havre, le bassin (1906), est organisée au Musée d’art moderne André Malraux une exposition sur les paysages normands du peintre bordelais, à laquelle est convié Bernard Plossu avec ses propres photographies normandes.
On relève une parenté de regard dans l’épure, la rapidité de vision, le goût de la chose vue et des scènes modestes.

Albert Marquet, Le Port de Fécamp, 1906, huile sur toile, 65 x 81 cm, collection particulière© Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris
« Quand je regarde, déclare le photographe, un tableau comme Le Quai du Havre de 1934 avec les petits personnages, le tramway, le ciel gris, je sais pourquoi j’aime la photographie. »
Pour ses nuances de gris, sa force de révélation, sa façon de dessiner la réalité, de la révéler, de la préserver, d’approfondir son énigme.
La Normandie pour Plossu ? Un peu du Big Sur californien où il rencontra Henry Miller, un peu de paradis, et beaucoup de silence.
Sans oublier la convergence d’atmosphères avec celles de Jean-Pierre Melville.

Catalogue Marquet en Normandie, auteurs Annette Haudiquet, Sophie Krebs, Michaël Debris, Itzhak Goldberg, Bernard Plossu, conception graphique et éditoriale, photograbure Benoît Eliot, Editions Octopus, 2023, 230 pages

Exposition éponyme présentée au MuMa – Musée d’art moderne André Malraux (Le Havre), du 22 avril au 24 septembre 2023 – exposition initiée par Annette Haudiquet, commissariat Sophie Krebs et Michaël Debris


https://www.leslibraires.fr/livre/22040511-bernarnd-plossu-album-1961-1986-bernard-plossu-marval