Vers la rédemption, par Jamie Murray, photographe

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©Jamie Murray

Folly est un espace mental composé d’allégories.

Prenant appui sur des conversations menées avec des personnes incarcérées, souvent longtemps et dans des prisons différentes, le Britannique Jamie Murray a construit un livre fait de crépuscules et d’images aux teintes nocturnes métaphorisant le sentiment de réclusion et le besoin de liberté.

Folly n’est pas un ouvrage documentaire, mais une œuvre documentée, ouverte au poétique et à la spiritualité, questionnant les notions de peine, de culpabilité et de punition.

©Jamie Murray

Les photographies sont des amorces de fiction, une route tournant dans la nuit, un paysage urbain tel qu’on pourrait le trouver en imagination dans un polar social, un tas de pièces symbolisant probablement l’appât du gain.

Tout fonctionne par ellipses, coupes, rappels de la condition carcérale et de la puissance salvatrice de la nature.

Des volatiles noirs passent dans ce premier livre très abouti, ce sont des signes de mélancolie, et de l’âpre discipline imposée aux fautifs.

©Jamie Murray

La solitude est perceptible, les quelques portraits ponctuant Folly étant de dimension introspective.

Une tempête va venir, est advenue, les visages sont épuisés, l’impermanence et la métamorphose sont des lois plus intangibles que les décrets humains.

La couverture – très belle typographie pour le titre – montre des traits de guingois, ce sont les barreaux d’une geôle qui s’effondrent, ou un idéogramme chinois signifiant peut-être Respiration.

Le papier est glacé, non par effet de chic, mais parce que chaque page est ainsi un miroir renvoyant le spectateur à l’énigme de sa propre conscience.

©Jamie Murray

Un donjon d’inspiration médiévale ouvre le bal des images, le Minotaure est en nous, mais qui sera notre Thésée de délivrance ?  

Christ a abandonné sa couronne d’épines sur une palissade en bois, qui viendra désormais nous sauver ?

On pendait autrefois les bandits en Europe, François Villon a même inventé une ballade restée fameuse : « Frères humains qui après nous vivez / N’ayez le cœur contre nous endurci / Car si pitié de nous pauvres avez / Dieu en aura plus tôt de vous mercis »

Poids de chair contre dureté minérale.

Le poisson asphyxié sera-t-il remis à l’eau ou tué ?

©Jamie Murray

Nous sommes un veau paissant paisiblement, des pommes broyées par une pelleteuse, notre vie se joue dans une partie de billard à trois bandes.

Naissance, croissance, décès.

Savoir se diriger est l’affaire d’une vie entière.

Apprendre à vivre, enfin, pensait Jacques Derrida.

©Jamie Murray

Folly ne comporte pas de texte, c’est un livre qu’il faut aborder dans son mystère et ses ombres, comme en ses points de lumière et de renouvellement intime.

La traversée du tunnel est difficile, douloureuse, angoissante, mais il y a, là, dehors, comme en nous, en cet antre secret où le social n’a plus d’emprise, une possibilité d’indemne.

Jamie Murray, Folly, design Tom Booth Woodger and Jamie Murray, Photo Editions Ltd (UK), 2023 – 750 exemplaires

©Jamie Murray

https://jamiemurray.work/Folly-1

©Jamie Murray

https://photoeditions.pub/Folly

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