FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
« La photographie, c’est 10% de prise de vue et 90% de tirage. » (Eugène Smith)
On peut lire et recevoir l’œuvre de la photographe FLORE selon deux axes cardinaux : le rapport au temps, et la façon d’aborder le médium, dans une recherche constante sur la forme, les matériaux, les procédés anciens, comme un territoire de pure autonomie, au-delà de la vulgate réaliste du ça a été.
En effet, chez cette artiste autodidacte, rien n’a jamais été que ce qui surgit du laboratoire comme pays premier, chambre à soi, socle identitaire.
FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Tout est fiction, littérature si l’on veut, souvenir d’un monde n’ayant au fond jamais existé, et toujours déjà filtré par la mémoire, l’inconscient, les illusions, la langue.
Il y a bien sûr des déterminations biographiques, comme chez tout un chacun, des parents qui se séparent au Maroc, une famille à la fois venue des rives de l’anarchisme espagnol et de celles, coloniales, du Mékong, un cheminement par et à travers les dépendances, affectives, culturelles, géographiques, mais il y a davantage encore que les biographèmes, il y a le mystère d’être là, la distance d’avec soi, et la chance de pouvoir exprimer par un outil parfaitement maîtrisé une sensation permanente d’exil.
Il y a le couple formé avec Adrian Claret, et la solitude où l’artiste de nécessité puise les bases de sa réinvention.
FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
J’ai déjà posé, au fur et à mesure de la parution de ses derniers livres, Camp de Rivesaltes (André Frère Editions, 2018), Maroc, un temps suspendu (Editions Contrejour, 2019), L’odeur de la nuit était celle du jasmin (Maison CF, 2020), un certain nombre d’intuitions sur le travail de FLORE, mais le livre de conversations avec Christian Caujolle que publie actuellement Maison CF, comportant choix de photographies personnelles et archives familiales, est très précieux pour mieux comprendre encore sa singularité.
S’y expriment l’évidence d’une sincérité, l’amour du tirage comme entreprise de justesse et le besoin à cette fin de connaître au mieux les techniques (tirage ciré, platine palladium, teinture au thé, héliogravure aquarellée, numérique…), la reconnaissance des auteurs ayant influencé sa perception de la photographie (l’autochromiste Gabriel Veyre, Josef Sudek, Sarah Moon), et l’admiration pour l’écriture de Marguerite Duras.
FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
FLORE cherche la vérité des sensations, l’harmonie, la beauté, alors que presque tout aujourd’hui est blessure, déchirure, corruption.
A quoi bon l’art si ce n’est pour sauver son âme ?
Dans son essai de 1947 La France contre les robots, Georges Bernanos a bien pointé cette conspiration générale en notre époque avilie contre la possibilité même d’une vie intérieure.
Lorsque l’on ressent intimement le carcan de la normopathie sociale et la mise en place d’un ordre mortifère à l’échelle mondiale, il faut l’élargissement par la vision, par la quête de la lumière, par l’émotion vraie.
FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
« Souvent, confie FLORE, qui est athée, à Christian Caujolle, je dis que c’est comme le carmel : on ne peut pas s’y dérober. Comme ces femmes qui entrent en religion, tu entres en photographie, tu ne peux pas te dérober à ton destin. Du moins, moi, je ne peux pas. »
FlORE, Conversation avec Christian Caujolle, suivi éditorial Alexandra Delabie, création des séquences images Adrian Claret, Maison CF, 2023, 170 pages – 2000 exemplaires
Rencontre avec FLORE le jeudi 6 juillet 2023 à Croisière, librairie Actes Sud, Arles
FLORE – Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
https://www.maisoncf.fr/produit/flore-conversation-avec-christian-caujolle-signe/
Ouvrage réalisé à l’occasion de l’exposition rétrospective de l’artiste Le temps du souvenir 1996-2023 qui se tiendra à la Villa Tamaris (la Seyne-sur-Mer) du 7 octobre 2023 au 7 janvier 2024
Le blog de Fabien Ribery 