Fiat lux, par Stéphane Spach, photographe

©Stéphane Spach

« Stéphane Spach se retourne : il regarde derrière ses années d’homme le commencement d’où lui-même arrive et ne cesse d’arriver. » (Jérôme Thélot)

Le confinement, notamment le premier (mars 2020), fut pour beaucoup l’occasion d’une introspection, et de retrouvailles avec le plus proche.

Avec Parcelle 475/593, Stéphane Spach a pris le temps d’observer son environnement quotidien, de le photographier et de l’exprimer en de brefs poèmes.

©Stéphane Spach

Il y a de l’enfance ici, du natal, un pays, die Heimat en somme.

Publié en format cahier d’écolier, présentant une couverture bleue aux angles arrondis, cet ouvrage relié à la suisse n’a rien à prouver, mais tout à montrer de l’infime.

La merveille réside dans le non-spectaculaire.

La période pandémique nous privait d’horizons, mais, alors que nous ruminions notre rage, Stéphane Spach renversait la situation, s’enchantant du rien, trouvant dans le blason végétal de la nature l’environnant matière à désensorcellement.

©Stéphane Spach

Parcelle 475/593 commence comme un conte, dans un jardin enchanté propice aux apparitions fantastiques.

Contre la noirceur des temps asphyxiés, l’artiste propose la lumière, l’espace, le grand air.

Le petit périmètre est une vastitude, la richesse du vivant se rit de nos mélancolies.

Stéphane Spach construit des paysages enluminés, des pétillements polychromes, des chemins de senteur, non sans humour.

©Stéphane Spach

« Dans le jardin, le lilas commence enfin à fleurir. / Il est vieux, il faudrait s’en occuper… // J’entends tout le monde parler du parfum du lilas ! / Celui-ci sent la vieille pute… // Tous les ans, je me fais avoir en le reniflant. »    

 Chaque image est une allégorie de la fécondité.

De vieilles putes ? Non, des nymphes extraordinaires dansant entre des arbres pluricentenaires.  

Des clématites, des rosiers, une fantaisie de mauves.

« Hier soir, j’ai aidé l’infirmière (je ne connais pas son prénom, et aussi, elle porte un masque). Avec ma sœur, nous avons tous les trois soulevé ma mère, nous aidant du drap sur lequel elle était allongée. // Je retenais ma respiration avant l’effort / et puis je me suis rendu compte qu’elle n’était pas plus lourde que tous les pétales de tulipes de ce jardin… pas plus ! // Ce serait un mensonge. »

©Stéphane Spach

Stéphane Spach saisit des tremblements, des fragilités puissantes, des reines vulnérables.

Le soleil les couronne, les fougères pourraient parler, les merles sont ivres.

Voici le sauvage et le bel aujourd’hui, bien loin de tous les thuriféraires de la mort.

Le pommier est en fleurs, l’acier de la table se teinte de vert, la mousse recouvre le squelette des petits animaux, infants défunts.

Les saisons se déroulent, le confinement n’a presque pas existé, ce n’était qu’un maléfice, ou une pointe de réveil dans la torpeur consumériste des jours.

On court, on attrape des truites à mains nues, on fait ses devoirs un peu trop tard, mais l’école de la vie a tant à nous apprendre.

Le temps n’existe pas, seuls les corps et les idées courtes pourrissent, l’important est de sauver son âme.

Fiat lux, la lumière est, que la lumière soit.

Stéphane Spach, Parcelle 475/593, texte Jérôme Thélot, François-Marie Deyrolle éditeur, L’Atelier contemporain, 2023, 88 pages

https://spach-photographe.com/

©Stéphane Spach

https://www.editionslateliercontemporain.net/

Lire mon article du 28 novembre 2022 sur sa monographie publiée chez le même éditeur : https://lintervalle.blog/2022/11/28/aux-royaumes-du-present-jadis-par-stephane-spach-photographe/

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