
©Stéphane Spach
Le livre de Stéphane Spach publié par L’Atelier contemporain – vaste monographie sans titre – est un ouvrage de promeneur collecteur.
Chasseur-cueilleur, mais en plus sophistiqué, l’auteur glane des matériaux, des matières, des formes, des structures.
Détachés de leur contexte, les objets prélevés acquièrent une autonomie fascinante.
On se situe ici dans le domaine de l’archéopoétique, passé et présent se mélangent, l’ensemble photographique publié en format italien édifiant un vaste memento mori.
Il y a des encriers brisés exhumés des tranchées de la Première Guerre mondiale, des ossements sous plastique issus de collections zoologiques, des fleurs fanées.

©Stéphane Spach
Le silence est considérable, le temps est une puissance de métamorphose dans le ravage de toute beauté.
Il édifie des cathédrales de pourriture, en parsemant l’espace de peaux mortes et de flétrissures amarantes.
Des oiseaux morts reposent sur la table du naturaliste, petits soldats jaunes tombés sur le sol de France ou ailleurs, pour rien, pour le plaisir du pastelliste.
Stéphane Spach invente des herbiers photographiques, témoins du Jadis et de la corruption des corps.
« L’affrontement de l’éphémère, écrit Jérôme Thélot en préface, est ici le seuil d’une restitution des choses à leur intemporalité supérieure. Tout ce qui meurt dans le monde empirique que nous connaissons, tout ce qui se corrompt et passe dans le temps vécu de notre existence précaire, retrouve dans l’idéalité de l’image et dans sa perfection formelle son intemporelle majesté. »

©Stéphane Spach
Que reste-t-il des arbres en fleurs ? Quel sens donner à ces objets en fer blanc désarticulés ?
Chaque tableau ici relève du genre de la nature morte, et du cabinet de curiosité, dans une unité chromatique créant beaucoup de douceur.
Aucune dramatisation en effet, mais le simple spectacle de ce qui disparaît, ou flamboie encore quelques instants dans le brasero de l’objectif, herbes de serre ou galets associés.
Stéphane Splach compose, met en scène, organise.
D’avril 2019 à février 2020, au Musée zoologique de Strasbourg, le photographe a rencontré des créatures presque drôles dans leur squelette exhibé, et s’exprimant avec le rire muet de l’éternité.
Taxidermie, formol, étiquetage.

©Stéphane Spach
Hécatombes, sculptures babéliennes, phasmes de branches.
Nids, feuilles d’érables rouges, sous-bois.
« Célébration de l’absence », « coupe transversale », « mille nuances colorées », « matrices vertes », « ectoplasmes lumineux », « archéologie du quotidien », écrit Roland Recht.
Festons de clairières.
Entrelacs de fluorescences.
Dentelles racinaires.
Ecorces, écorches, entailles.

©Stéphane Spach
Tout est sculpture, faux-semblant, trouble dans le genre, qu’il s’agisse de la fougère, de la grenade, ou de ciels vus, comme chez Lenz, la tête à l’envers.
Puissance sérielle, bleu Klein, sommiers effondrés.
Stéphane Spach photographie la poésie de l’ordinaire, la densité du temps en son ordre de saccage, et la somptueuse résilience du vivant au moment de la chute, quel qu’il soit, et quelle que soit sa forme.

Stéphane Spach, Stéphane Spach, textes de Ann Loubert, Daniel Payot, Roland Recht, Jérôme Thélot, L’Atelier contemporain, 2022, 336 pages
http://www.editionslateliercontemporain.net/a-paraitre/monographies/article/stephane-spach

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