Jean Cocteau, rêveur éveillé, par Claude Pinoteau, cinéaste

©Lucien Clergue

« Mon très cher Petit Claude, sache que je ne ferai jamais un film sans ton aide. » (Jean Cocteau)

Les mânes de Jean Cocteau traversent encore la culture française, Claude Pinoteau, qui tourna plusieurs films avec lui, se souvient.

Richement illustré (photographies de tournage, décors, dialogues, correspondance, découpages…), comprenant des entretiens avec Monique Bourdin, coéditrice des Œuvres poétiques complètes de Jean Cocteau dans la Pléiade, le très beau volume Derrière la caméra avec Jean Cocteau, publié par les Editions de La Table Ronde, raconte au présent le poète-cinéaste.

Quelques titres mémorables auxquels participa l’auteur du Silencieux (1972), de La Gifle (1974) et de La Boum (1980) : Le Baron fantôme, L’Aigle à deux têtes, Les Parents terribles, Orphée, Les Enfants terribles, Le Testament d’Orphée.

Voici Cocteau, son profil d’aigle, son écriture sur des livres dédicacés (La difficulté d’être, Les parents terribles, Le sang d’un poète), ses dessins si caractéristiques.

Jean Cocteau élabore son œuvre aux lisières de la vie et de la mort, du rêve et de l’éveil. Il vient du surréalisme, et de plus loin encore.

Ce dandy était humour, liberté, décalage, orgueil, quelque peu Hermès Trismégiste.

« Cocteau était un grand poète. C’était aussi un conteur prodigieux, un auteur que j’admirais et qui sublimait, avec un talent singulièrement poétique, les grandes histoires d’amour, les éternelles légendes : Renaud et Armide, Tristan et Iseult, La Belle et la Bête, Pelléas et Mélisandre, etc. Il était aussi l’explorateur indiscret de cette zone entre la vie et la mort, qui le fascinait… »

Le courage de Jean Marais dans les cascades est salué, les anecdotes de tournages défilent.

« Visiblement, Jean Cocteau préférait avoir la liberté de faire des « fautes d’orthographe » à sa guise, dans la grammaire cinématographique. Il voulait que sa caméra soit libre, préfigurant la Nouvelle Vague. »

L’axiome de Cocteau, cherchant à travailler dans une atmosphère amicale, est rappelé : « Si ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs. »

©Lucien Clergue

De grande qualité, les reproductions de photographies de tournage donnent l’impression constante que les acteurs (Maria Casarès, François Périer, Josette Day, Jean Marais, Yul Brynner, Francine Weisweiller…) possèdent une lumière intérieure.

Noble chaos, grâce, inventivité.

« Il lui est arrivé de tourner « à l’envers », en faisant marcher l’acteur à reculons, pour obtenir une démarche singulière, en projetant le film à l’endroit. »

Lorsque Jean-Pierre Melville tourne Les enfants terribles (1950), Jean Cocteau est presque toujours présent, imprimant au film son esprit artistique.

On peut entendre dans Le Testament d’Orphée (1960), œuvre narrant la mort et la résurrection du poète (François Truffaut aida grandement à son financement) : « Le Sphinx, Œdipe… Ceux qu’on a voulu trop connaître, il est possible qu’on les rencontre un jour sans les voir. »

Les papiers d’identité du poète tombent : ils sont devenus des fleurs d’hibiscus.

Claude Pinoteau, Derrière la caméra avec Jean Cocteau, entretiens avec Monique Bourdin, préface de Jean-Loup Dabadie, postambule de Lucien Clergue, Editions de La Table Ronde, 2023, 240 pages

https://www.editionslatableronde.fr/derriere-la-camera-avec-jean-cocteau/9791037112903

https://www.leslibraires.fr/livre/22765200-derriere-la-camera-avec-jean-cocteau-entretien–claude-pinoteau-monique-bourdin-table-ronde?affiliate=intervalle

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