Il était une fois en Anatolie, par Ebru Ceylan, photographe

©Ebru Ceylan

Les photographies anatoliennes de l’actrice, réalisatrice et scénariste turque Ebru Ceylan sont faites de silence, de mélancolie, et d’introspection.

Attentive aux lumières comme source de transcendance, l’artiste ayant maintes fois travaillé avec le cinéaste de renommée mondiale Nuri Bilge Ceylan cherche à saisir la forme de l’atemporalité dans le présent.

©Ebru Ceylan

Tout est calme, figé, la sensualité d’immuabilité est prégnante, un courant d’air lève un voilage près d’une femme assise à sa table face à une fenêtre.

Ebru Ceylan ne s’intéresse pas au vil ou au corrompu, mais à tout ce qui est noble, relevant de la grâce d’être au monde, dans la conscience que la poésie, comme l’a écrit Martin Heidegger méditant Hölderlin, fonde ce qui demeure.

Pas de guerre ou de conflits, mais une sérénité dans le paysage se recouvrant doucement de neige.

©Ebru Ceylan

L’artiste contemple l’effet des saisons sur les lieux qu’elle fréquente, sans se précipiter, puisque nous vivons dans la dimension de l’éternel retour du même.

Deux hommes, dont on se demande bien quelle est leur fonction, passent sur une route déserte ; deux enfants appuyés sur une roche admirent l’horizon glacé.

Le ciel dicte sa loi, alors que les champs se chargent de cristaux blancs.

©Ebru Ceylan

La poétique de la photographe se situe du côté de l’image-temps deleuzien, c’est-à-dire d’une façon d’accorder à la métaphysique de l’espace, plus qu’aux éventuelles actions, une place prépondérante.

Il faut attendre, les liens de communication sont coupés, la solitude, qui n’est pas l’esseulement, n’est pas une mauvaise chose.

Où se rencontre-t-on ici ?

Au terrain de foot, près des ruines antiques, sur quelque belvédère de fortune.

©Ebru Ceylan

Ebru Ceylan, en ces terres éloignées de la capitale, accomplit un voyageur intérieur de l’ordre de l’ascèse ou du dépouillement.

Se retirer en soi, profondément, afin que l’autre, et même le tout-autre, apparaisse.

Pourquoi photographier ? Pour établir un lien entre les vivants et les morts, accepter que le vide est ce qui nous constitue, troué de regards de reconnaissances.

Gilles Verneret qui expose la série Inner World à Lyon, dans la galerie Le Bleu du ciel, écrit : « Là, au-delà des murs et des rideaux dans les rayons tombants du crépuscule, sous cette emprise glacée de neige triste, le vent furieux s’immisce dans la pièce, et dans les consciences, balayant le présent pour nous projeter furtivement dans la permanence des choses, du vécu et de la mémoire. »

©Ebru Ceylan

Ebru Ceylan, Inner World – ouvrage publié à l’occasion de l’exposition éponyme ayant lieu au Bleu du Ciel (Lyon), du 05 octobre au 28 décembre 2024

https://ebruceylan.com/

https://lebleuduciel.net/inner-world-ebru-ceylan/

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