Guillaume Apollinaire, l’immense amour, par Frédéric Pajak, écrivain, dessinateur

« Douleur et plaisir vont par deux, et ça s’appelle l’immense amour. » (Frédéric Pajak)

Guillaume Apollinaire est un amoureux fou, un érotomane, un ogre.

Il aime dominer, fouetter, posséder l’objet de ses convoitises jusqu’à la transe.

C’est un poète, un génie, un martyr, mort pour la France.

Qui a lu ses fabuleuses Lettres à Lou – deux cent vingt numéros – où l’énergie de la guerre se mêle à l’ivresse sensuelle et à l’invention langagière, connaît son tempérament passionné, impétueux, excessif.

Mourir de beauté, mourir de jouissance, ne surtout pas mourir, trente-huit ans, c’est bien trop jeune. 

Avec Le chagrin d’amour, Frédéric Pajak, évoquant également ses propres passions sentimentales, souvent malheureuses, dresse le portrait en mots et dessins au crayon gris graphite – comme dans les dix volumes de la série Manifeste incertain – de l’auteur de Zone et de La Chanson du mal-aimé.  

Sont évoqués aussi les mânes de Marcel Duchamp, de Francis Picabia, de Stendhal, de Casanova, de Catherine II de Russie, tous grands amants, mais aussi l’esprit de Witold Gombrowicz, d’Emily Dickinson et de Piet Mondrian.

Republié aux éditions Noir sur Blanc – première publication en 2000 aux Presses Universitaires de France -, cet ouvrage se lit comme une geste autobiographique sur l’inconsolable et la solitude doublée d’une description admirative des forçats de l’amour dont Frédéric Pajak fréquente assidument les œuvres, et les analyses sur un sentiment cardinal.

Il y a les relations effervescentes ou décevantes avec les femmes aimées, les amis (galerie de portraits superbes), et la poésie d’un des plus cosmopolites écrivains français – la naturalisation de Guillaume Apollinaire intervint peu de temps avant sa blessure à la tête par l’éclat d’un schrapnell ayant perforé son casque le 17 mars 1916 (il mourut de complications chirurgicales accentuées par la grippe espagnole, deux jours avant l’armistice).

Il avait rencontré à Nice, à la fin du mois de septembre 1914, la piquante et cruelle, « ardente et frivole », Louise de Coligny-Châtillon, qu’il reverra à Nîmes pour des séjours d’une grande liberté sexuelle.

Il lui écrit le 17 mars 1915 : « Maintenant, c’est fini, je ne veux plus t’aimer, on souffre, on souffre, puis on apprend à ne plus souffrir… »  

Lors d’un retour en train vers sa garnison située dans la Marne, il fait la connaissance de Madeleine Pagès, avec qui les échanges épistolaires seront également passionnés (elle vit à Oran, où se rendra le poète, dépité par l’impossibilité d’établir avec elle, ses frères veillant, une véritable relation charnelle).

La guerre fait rage, libérant les pulsions les plus inavouables.

A Madeleine, le 19 novembre 1915 : « Amour, je vis dans le décor shakespearien d’un hypogée creusé dans un cimetière ; près de mon horrible demeure, un obus a déterré ce matin un Boche dont le tibia sort maintenant de lambeaux de linceul terreux…. »

Le 14 décembre : « L’horreur tragique, horrible, obscure du corps à corps infernal dans les tranchées, les boyaux, les entonnoirs, augmente ma volupté à t’aimer, tu es pour moi beaucoup plus que ne pouvait être la terre promise pour les Hébreux. »

Le 15 mars 1916 : « Pas dormi de la nuit. Pas de description possible. C’est inimaginable. »

Voilà, la vie d’Apollinaire, c’est l’amour, l’horreur, les grandes amitiés, le sexe sans retenue, le choix de la France, la sensation poétique de l’existence et l’exploration de la vie intérieure ayant guidé ses jours, jusqu’à la dernière heure.

Frédéric Pajak, Le Chagrin d’amour, Les Editions Noir sur Blanc, 2024, 336 pages

https://www.leseditionsnoirsurblanc.fr/auteur/frederic-pajak/

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