
©Katel Delia
Livre mémorielle, Malta, Tunis, Marseille, de Katel Delia évoque depuis Marseille, en un matériel iconographique très riche, l’histoire des migrations entre Malte et la Tunisie d’abord (il y a une centaine d’années), puis entre la Tunisie et Malte (aujourd’hui).
A chaque fois, l’espoir d’un avenir meilleur, et d’échapper à l’étau de la pauvreté, à la désespérance, à l’enlisement dans les difficultés.
Ayant retrouvé des documents dans sa famille paternelle, Katel Delia montre la migration humaine en questionnant le destin erratique des images et des mots – documents d’archives, albums de famille, photographies contemporaines, textes.

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On découvre d’abord, imprimés sur feuilles translucides indépendantes, des visages, des corps, des objets, des inscriptions, des paysages urbains.
On quitte un pays pour un autre, on laisse une mémoire de gravats, on construit un avenir troué.
« Le choix des mots, écrit avec pertinence en préface Sylvie Hugues, n’est jamais innocent. J’ai longtemps pensé que si dans les médias le mot migrant était remplacé par « réfugié », ou, mieux, « exilé », ou encore « déraciné », l’intolérance et le racisme à leur égard seraient peut-être moins prégnants. »
Katel Delia a retrouvé des fiches d’identité – raturées -, des photos jaunies, des visages inconnus.

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Tout se bouscule, se superpose, les échelles posées contre un arbre sont de guingois et s’enchevêtrent.
On imagine et voit des rivages, des qualités de sables, des attentes, des pertes, des recompositions.
Malta, Tunis, Marseille fonctionne en sa logique tripartite sur les figures de l’ellipse – temporelle/spatiale – et de la métaphore.
On ne peut pas combler l’absence, il faut simplement l’effleurer, montrer le vide dans le plein et le plein dans le vide.
Des photos d’école, des classes, des tables retournées.
On va cependant d’un soleil salé à l’autre, cela s’appelle la Méditerranée.

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L’autrice s’interroge : « Où est Marie Angèle ? Ma grand-mère n’est sur aucune photo de la boutique alors qu’en plus des tâches ménagères elle y travaillait, ses plats cuisinés étaient réputés. »
Que cache ce manque dans les représentations familiales ? Que comprendre ?
Le commerce soude le clan, qui crée des jalousies, la nationalisation tunisienne jetant de l’huile sur le feu des haines communautaires.
On voit des portes, des enseignes, des ustensiles de cuisine, un fer à repasser, et les corps des proches.

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Des parcs, de l’amitié, le port de Marseille où partir vivre de nouveau.
Devenir Français, coiffures pour dames, vins & huiles, plomberie-zinguerie, boucherie, Bazar du Panier.
On est ailleurs, mais il y a de la transversalité : Malte est là, comme la Tunisie. Il suffit d’un coin de rue, d’une odeur, d’une lumière particulière, d’une habitation spéciale, d’une musique.
Malta, Tunis, Marseille ne discourt pas, mais laisse entendre, permet d’entrevoir, de comprendre un peu les parcours, les destins, et les lignes qui nous constituent intimement.

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On n’en finit pas avec l’exil, on dérive, et l’on s’accroche comme on peut aux signes du passé.
Katel Delia n’a pas construit un livre nostalgique, mais, à travers ses documents colligés, une mosaïque de sensations, de points de vue, d’énigmes, avant que le temps ne les effrite de nouveau.

Katel Delia, Malta, Tunis, Marseille, préface de Sylvie Hugues, textes en français, maltais et arabe, Images Plurielles / Klabb Kotba Maltin – Midea Books Ltd., 2024, 96 pages

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https://www.imagesplurielles.com/fr/accueil/133-malta-tunis-marseille-.html
