Qu’est-ce qu’un pays ? par Lavinia Parlamenti et Manfredi Pantanella, photographes

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©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Fondée à La Haye (Pays-Bas) en 1991, l’Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO) est une organisation internationale dont les membres sont des peuples autochtones, des minorités, et des territoires non souverains ou occupés, souscrivant aux principes des droits de l’homme, de l’autodétermination, de la démocratie, de la non-violence et de l’écologie.

Avec le très bel et intriguant ouvrage, The Lines we draw, livre de format vertical à la couverture embossée jaune vert, comme un très grand passeport, Lavinia Parlamenti et Manfredi Pantanella interrogent la façon dont se construisent les identités à partir de cinq exemples : la République moldave de Pridnestrovian (PMR, communément appelée Transnistrie en Occident), la République de Catalogne, la République d’Artsakh, la République turque de Chypre du Nord (RTCN) et la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Il s’agit ici de montrer les processus culturels de reconnaissance communs, de dépasser les antagonismes de frontière, d’inventer une sorte de méta-pays à la fois très concret et imaginaire.

Nous vivons dans la pince du réarmement et de la fluidité/ubiquité numérique, dans un paradoxe qui n’est peut-être que superficiel.  

Que nous faut-il ? Une langue, un territoire, une fiscalité, un arbre généalogique, une culture (musiques, odeurs, plats, rites divers), une mémoire, des héros, des martyrs.

Mais d’abord des poètes, ces vagabonds « fondant ce qui demeure » (Martin Heidegger à propos de Hölderlin).

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Il est très beau, comme dans cet ouvrage photographique porteur de pensée, d’assister au mélange des cartes d’identité et des visages, des éléments vestimentaires et des paysages, des écritures et des drapeaux.

Une voiture brûle en Mauritanie, une enfant écarte des rideaux rouges pour y passer les yeux, un bébé naît.

Il faut parfois se battre, subir des violences discriminatoires, tout en croyant en la perpétuation de la vie.

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Des murs sont érigés, des avions décollent, il y a des bancs où se rassembler, et des caméras de reconnaissance faciale.

Chaque image de The Line we draw est à la fois un document, et un acte de création, dans un dispositif général polychrome frôlant quelquefois la surréalité.

Parce que nous croyons être les signes extérieurs d’appartenance, quand notre réalité la plus profonde doit faire l’objet d’une quête intérieure intense.

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Des classeurs, des archives, des bâtiments.

Du sable, du béton, des éclats de verre.

Des médailles, des animaux, des pastèques.

Une paella géante.

Des arbres spécifiques, des treillis militaires, une roseraie.

Des pantoufles, des babouches, des mocassins. 

Coups de feu dans la nuit, poings levés, monnaie frappée.

Des pages se déplient, formant diptyques ou triptyques.

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Des crapauds se métamorphosent en rois et reines, on élit des miss, on prépare la rencontre d’une mitre et d’un fusil sur la table de dissection de l’Histoire.

Il y a dans The Line we draw de la gravité, de la quotidienneté, de la drôlerie, des foules et des jongleurs de chaise, des cris d’enfant et des cathédrales à terminer, des lettres chues et des symboles à imposer.

On communique, journaux papier, internet, statues, télévision.

Bijoux.

Un corbeau est pendu à la cime d’un arbre, des murs sont défoncés pour y laisser passer l’arme d’un sniper, on assassine des fermiers et l’on construit des couronnes de fleurs.

The Line we draw ne moralise pas, mais n’oublie pas la réalité de la guerre, au nom d’un pays, d’un frère, d’une herbe des champs.    

©Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

Turbans, coiffes, cigarettes.

Le livre d’une grande richesse visuelle du duo italien installé à Marseille se regarde comme un fantasme.

Tu m’offres un thé, mon frère ?

Je t’ai apporté du pain.

Regarde mes bébés, comme ils sont beaux.

Ce soir, il y a théâtre, tu viens ?

Oh, tu sais, le théâtre, c’est tous les jours, c’est maintenant, c’est face à toi, ma sœur.

Lavinia Parlamenti and Manfredi Pantanella, The Line we draw, texte Hugo Meijer & Maja Spanu, conception éditoriale et graphique Ania Nalecka-Milach, autoédition, 2024, 272 pages – 750 exemplaires

https://www.laviniaparlamenti.com/

https://www.manfredipantanella.life/home

https://www.manfredipantanella.life/the-lines-we-draw

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