Le génie de l’enfance, par GLADYS, photographe

©GLADYS

Gladys, c’est un prénom, comme celui d’une amie avec qui l’on part en vacances.

GLADYS, c’est aussi le nom d’une photographe – prix Niepce 1989 -, dont il me plaît aujourd’hui de rappeler l’œuvre, après un article sur le très bel ouvrage monographique édité par Contrejour (Claude et Isabelle Nori) en 2024.

Publié par les éditions Créaphis en 1993, Album est un livre dédié aux mères et à l’esprit d’enfance.

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Une poupée embarque sur la mer Méditerranée, scène étrange, presque surréalisante, placée en incipit.

Album est un rêve, un conte, l’esprit d’une petite fille vagabonde.

Un ogre est passé sur la plage – fourchettes miniatures alignées près d’une empreinte de chaussures paraissant démesurément grande.

Une tortue prend son temps, sa carapace est le début d’une lyre, comme une indication de vitesse de lecture – lente, douce, précautionneuse – et d’écoute.

Un BN comme un astéroïde, des épis, des petits chaussons, des figures en pâte de sel.

Le montage des images – solitaires, en diptyques, en mosaïques – est dynamique, alors que les châteaux de sable d’images se dissolvent à la marée montante (les contrariétés des adultes, si lourds, si vieux).

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Aller à l’école, d’autrefois.

Faire quelques courses pour papa et maman, en ramenant le ticket.

Dessiner à la craie, avant de laisser venir à soi la première photographie sur une machine à écrire avec la lumière.

Pattes de mouche, taches, où est ton buvard ?

Interrupteurs anciens, œil du chat nocturne surpris par le flash, une source de lumière frappe une porte comme dans La Belle et la Bête, de Jean Cocteau.

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C’est cela l’univers poétique de GLADYS : un broc étincelant comme un objet magique, des funambules, des corps qui grandissent et affirment leur sensualité sans perdre le pouvoir d’émerveillement et d’entièreté des plus jeunes.

Marelle, baignade, glaces, et galipettes sous la protection de la vierge Marie.

On embarque pour l’éternel présent, le rire de l’univers – collages animaliers amusants -, la danse de l’instant dans les filets de la mélancolie.

Tiens, il y a un crocodile dans le salon.

Tiens, un lézard sort d’une chemise de batiste.  

Tiens, une statue pleure, et une belle enfant se fige comme figure de pierre.

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La petite fille bronze maintenant seins nus au bord de l’érotisme.

S’enfouit dans le sable, remonte le temps ou le dévale.

Eric Meunié écrit en préface : « Bakélite cadavérique / poupée de cellulose / devant la mer / l’éclatement d’écume / comme un boa d’hermine / qu’elle saisit tétanisée. »

On referme Album.

Pour l’ouvrir de nouveau.

GLADYS, Album, texte Eric Meunié, collection « Préférences » dirigée par Claire Reverchon et Pierre Gaudin, maquette Christophe Reverchon, Editions Créaphis, 1993

https://www.editions-creaphis.com/fr/catalogue/view/868/album/?of=1

https://gladys.fr/

https://mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/collection/objet/gladys

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