
Dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795), le poète et penseur allemand Friedrich Schiller considère que la beauté, loin d’être une petite affaire personnelle, permet la communion des âmes, et concourt à la paix.
Si la beauté mène à la liberté, en ce qu’elle tend à conduire l’humanité, par la réconciliation des sens et de la raison, vers la vie harmonieuse, il est un endroit en France, non loin d’Aix-en-Provence, aux marches du Lubéron, qui participe de cette ambition politico-esthétique de concorde, le château La Coste.
Vignoble de grande qualité, pensé et développé avec succès depuis une dizaine d’années selon les principes de la biodynamie, le château La Coste est aussi un domaine dédié à l’art contemporain, artistes et architectes prestigieux ayant carte libre pour y inscrire sur le long terme du cycle des saisons leurs projets esthétiques.
Il ne s’agit pas en ces lieux presque toscans – une chapelle modeste sur une colline avoisinante donne le ton – d’imposer son ego, mais de trouver une formule de conciliation entre les œuvres de la nature et celles des humains, ces vivants qui passent.
Une araignée de grâce et de fer de Louise Bourgeois placée sur un plan d’eau à l’orée du vaste territoire enchanté est une figure de protection, belle tisseuse éloignant les démons.

Vous qui entrez ici retrouvez toute espérance, le visible y est célébré, comme le vin, à la façon de la transsubstantiation catholique : l’esprit est là, qui anime le tout – unus mundus – art, raisins, incarnation, joie.
On se croirait dans un tableau de Piero della Francesca – qualité de silence, paysages enceints – ce n’est pas un hasard.

Acquis, préservé et développé par un couple d’Irlandais (un frère et une sœur unis dans un même but, loin des malédictions), le domaine La Coste, ouvert au public (pas de publicité tapageuse, mais l’enthousiasme communicatif de ses visiteurs), est un havre de paix, où les promeneurs marchent dans les traces des sangliers, et où les regards s’accrochent aux œuvres de pleine présence qui y sont accueillies : un chai en aluminium conçu par Jean Nouvel (Cuverie, 2008), un théâtre de plein air parfaitement postmoderne imaginé par Frank O. Gehry (Pavillon de Musique, 2008), une maison fantôme rêvée par Lee Ufan (House of Air, 2014), une croix sensible au vent imaginée par Jean-Michel Othoniel (La Grande Croix rouge, 2014), un lieu de culte telle une crypte d’extérieur surgie, à la façon d’Athéna casquée, du cerveau de Tadao Ando (La Chapelle, 2014), et tant d’autres merveilles (liste non exhaustive) signées John Rocha, Alexandre Calder, Liam Gillick, Sean Scully, Richard Serra, Franz West, Andy Goldsworthy.

Renzo Piano y construit actuellement un hôtel à flanc de coteau pour quelques privilégiés – pourquoi pas vous ?
Rêvons enfin ici pour ne pas conclure avec Jean-Jacques Rousseau : « Si c’est la raison qui fait l’homme, c’est le sentiment qui le conduit. »

Château La Coste, 2750 Route De La Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade
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C’est beau, ça donne envie d’y aller..
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