Memento mori, souviens-toi que tu dois mourir, par le photographe Philippe Bréson

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On peut considérer que la photographie est un art de l’estampe, dont Philippe Bréson déploie en artiste baroque les possibilités, qu’il s’agisse de la manière noire, ce procédé de gravure en taille-douce, ou de techniques permettant de souligner le grain de l’image, sa fabrication quasi chimique, et ses griffures à même la plaque d’apparition.

Graveur de lumière, enregistreur autant qu’inventeur de formes, Philippe Bréson est un artmaker au sens d’Alain Jouffroy (Manifeste de la poésie vécue, Gallimard, 1994), c’est-à-dire photographe, mais aussi collagiste, dessinateur, expérimentateur ou assembleur, ici de crânes et de nudités troubles.

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L’ensemble de ses images, réalisées/fabriquées entre 1993 et 2016 (persévérance du regard) forme un paysage mental très singulier, sorte de bois flotté découvert un jour par un enfant, et remisé pour des années dans un grenier révélant avec surprise ses mystères lors de l’ouverture des malles.

La route est sinueuse (très belle couverture en carton épais finement tissé), et les ciels striés de traits comme pour l’araignée qu’Odilon Redon captura au fusain.

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Modernes vanités, les photographies de Philippe Bréson multiplie les têtes de morts, auquel le corps gracile de ses modèles féminins, caressés de filaments noirs, offrent un prolongement naturel, effrayant et cocasse, comme lors d’un rêve éveillé.

Les yeux sont grand ouverts pourtant, et l’on se surprend alors à désirer des mortes.

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Le romantisme noir n’a pas de saison, faisant de chaque arbre rencontré par le Wanderer une présence fantomatique et inquiétante échappant à l’axe du temps, alors que soleil de minuit frappe la peau et l’âme comme au zénith.

Il ne s’agit pas de changer le monde, ou de bouleverser les rapports de force, mais de commencer à l’interpréter.2051339_1482075896_81c5fc68-philippe-bresson-4

Dans un bref entretien reproduit en fin d’ouvrage, Philippe Bréson livre cet aveu : « Très tôt, le travail de Ralph Gibson a été une révélation. Son radicalisme et son minimalisme m’ont beaucoup influencé à mes débuts. Puis je citerais les Primitifs, le cinéma expressionniste, la Nouvelle Vague japonaise. Plus tard l’univers de Georges Bataille a été déterminant. Beaucoup d’artistes m’inspirent et « m’accompagnent », comme Sally Mann ou Joel-Peter Witkin. »

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Nul doute que cet homme-là, dont l’ambition poétique consiste à fixer/découvrir sur pellicule argentique des intervalles de néant (des Eclaircies passagères), aurait plu au Bossuet du Sermon sur la mort (1662) : « Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ? J’entre dans la vie pour en sortir bientôt ; je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître. Tout nous appelle à la mort : la nature, presque envieuse du bien qu’elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu’elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu’elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains, et qui doit être éternellement dans le commerce : elle en a besoin pour d’autres formes, elle la redemande pour d’autres ouvrages. »

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Philippe Bréson, Eclaircies passagères, éditions H’artpon, 2016, 112p

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Site des éditions H’Artpon

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