
Eric Bourret est un photographe de seuils, d’espaces physiques qui sont aussi des territoires d’esprit.
Ciel et terre perdent leurs limites, se fondent, s’épousent, changent de nom.
Avec l’altitude, l’oxygène se raréfie, l’esprit se modifie, il y a des apparitions.
La mémoire se trouble, se libère, se clarifie, les fantômes sont des évidences.
Le passé n’est plus qu’un lointain avenir, un présent de nuages et de dilutions.

S’installe une impression durable de monde premier, qui est aussi la forme que prend le destin lorsque nous quittons les rives de l’orgueil.
Les notions d’arrière et d’avant-monde n’ont plus de sens, il faut survivre dans la clarté d’un soleil filtré.
Un homme s’avance, ses sensations sont celles d’un enfant suspendu à la corniche de ses rêves. La peine, l’effort, l’obstination dans la marche provoquent des sueurs, des suées, préludes à de grandes découvertes quand l’être est un feuilleté de gazes palpables.

Ayant passé plusieurs années entre terre et ciel, il se pourrait bien qu’Eric Bourret ne soit plus de ce monde, mais se soit transformé en une particule liquide.
Dans sa série « et l’espace fera de moi un être humain » (2005-2015), le photographe a construit de façon sérielle un cosmos d’eaux et de pénombres, de moires et de glaces, d’étendues désertes et de remous premiers.
Ses recherches graphiques sont celles d’un plasticien découvrant dans les confins l’éblouissement des lignes.

Le vertige gagne le spectateur manquant de repères. C’est une chance d’atteindre enfin le renversement des horizons, de renaître en âme, bouchon de liège flottant entre le terrestre et le céleste, dans une aube sans fin.
Flaques de neiges, flaques de ciels, flaques de pierres, flaques de crêtes, tout est en ordre.
Au photographe dûment chaussé reviendra la tâche de témoigner de la beauté apolitique des extrémités du vivant.

Eric Bourret expose à la Galerie du Canon (Toulon) du 15 septembre au 18 novembre 2017, aux côtés de Jérôme Dupin, Arthur Aillaud, et Michel Duport – Galerie du Canon
Découvrir l’ampleur du travail d’Eric Bourret
Eric Bourret, et l’espace fera de moi un être humain, photographies 2005-2015, textes de Philippe Piguet et Pierre Padovani, Arnaud Bizalion Editeur, 2015, 112 pages
Eric Bourret, Carnet de marche, Belledonne, Dévoluy, Oisans, Vercors, textes d’Olivier Cogne, Chantal Spillemaecker, Elisabeth Chambon, Pierre Padovani, Arnaud Bizalion Editeur, 2017, 256 pages
Eric Bourret, Dans la gueule de l’espace, texte de Baldine Saint Girons, Arnaud Bizalion Editeur, 2015

Lire mon article dans L’Intervalle sur le livre Carnet de marche