Bruit blanc, dialogues entre dessin et musique, une exposition conçue par Clara Djian & Nicolas Leto

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© Jim Sanders

Créé en 20O1, Topographie de l’art est un lieu d’art contemporain précieux à Paris, présentant environ quatre expositions par an dans un espace confié à des collectifs d’artistes, commissaires et historiens de l’art.

Pour l’exposition actuelle, Bruit Blanc, consacrée aux rencontres possibles entre dessin/peinture en marge et musique alternative, Clara Djian & Nicolas Leto ont cherché à faire tomber les cloisons séparant le plus souvent très artificiellement art savant et art populaire, préférant à cette dichotomie les notions d’expérimentation et d’hybridation.

Douze artistes sont présentés, douze planètes inconnues mêlant le temps d’une exposition étonnante leurs fleurs étranges et capiteuses.

J’ai souhaité ici m’entretenir avec Clara Djian & Nicolas Leto, les deux animateurs/commissaires d’un lieu ouvert et généreux.

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© Tetsunori Tawaraya

Topographie de l’art est un lieu situé dans le Marais (Paris) dont vous êtes responsables en organisant d’un point de vue logistique des expositions avec les commissaires qui y interviennent. Vous êtes également ponctuellement vous-mêmes commissaires pour les expositions dédiées au dessin contemporain. Ce lieu est-il une galerie traditionnelle ou davantage un espace d’exposition protéiforme ?

Topographie de l’art est un espace d’exposition dédié à la création contemporaine. Il a été créé il y a seize ans par un collectif d’artistes, commissaires et historiens de l’art afin de présenter des projets artistiques qui s’inscrivent avec originalité au cœur des réflexions, des préoccupations et des problématiques de notre époque.

Ce n’est effectivement pas une galerie au sens traditionnel du terme, bien que l’espace soit commercial. Nous ne représentons pas d’artistes, ne participons pas aux foires et privilégions des formats d’exposition plus longs que dans les galeries (deux mois minimum).               Nous travaillons  avec des commissaires, artistes ou théoriciens qui proposent des expositions thématiques et collectives.

Grâce à cette dynamique Topographie de l’art offre une programmation avec un spectre très large. Le nom de l’espace évoque d’ailleurs cette idée d’une cartographie des pratiques contemporaines.

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© Jean-Louis Costes

Les notions d’hybridation et d’expérimentation sont-elles au cœur de vos réflexions sur l’art ?

En effet les notions d’hybridation et d’expérimentation sont assez récurrentes dans les thématiques abordées par la programmation de Topographie de l’art. Cela dépend toujours des intervenants et de leurs choix curatoriaux. Si l’on prend par exemple les expositions organisées par la photographe et théoricienne Catherine Rebois pour la photographie contemporaine, il est vrai que l’expérimentation est centrale. L’artiste Horst Haack quant à lui intègre la notion d’hybridation dans ses expositions autour de l’image et du texte ou du livre unique. D’autres encore comme l’artiste Vera Röhm associe sculpture et architecture,  les commissaires Paul Ardenne ou Barabara Polla les notions d’art et d’environnement, ou art et cinéma. Cependant l’espace reste très éclectique dans ses réflexions sur l’art.

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© Arrington de Dionyso-Judith-beheads-Holofernes

Comment est né le projet Bruit Blanc, votre dernière exposition en cours ? Quelle en est l’ambition ?

Ce projet est né de notre passion commune pour le dessin en marge et la musique alternative. Nous voulions mettre en avant des artistes qui abordent ces deux champs artistiques par des approches très variées. Chacun des douze artistes invités développent une pratique musicale et plastique en parallèle, produisant une cohérence entre leur univers graphique et leur production musicale.

Tous  les artistes participant à l’exposition viennent d’univers graphiques très différents (BD, illustration, fanzine indépendant, outsider art, art contemporain) et chacun développe également des projets musicaux très variés (pop rock, jazz improvisé, metal, noise, punk, expérimental).

L’ambition était d’explorer au-delà des classifications, de donner à voir une certaine diversité des genres et cultures.

Julien-Langendorff
© Julien Langendorff

Pourquoi ce titre ?

Nous avons choisi ce titre car il permet d’associer la notion de son et d’image, et que par sa définition il évoque cette diversité recherchée. Le bruit blanc est un son qui comporte toutes les fréquences du spectre émises aléatoirement avec la même énergie. De même nous retrouvons dans cette exposition douze artistes qui déploient leur énergie à travers des tonalités propres à leurs cultures respectives.

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© Sindre Foss Skancke
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© Xavier Mussat

Parmi les œuvres des douze artistes que vous présentez, repérez-vous des familles de regards, des associations esthétiques fécondes ? Les primitifs ? Les morbides ? Les voluptueux ?

Comme évoqué plus haut les artistes viennent de ‘familles’ différentes, bien que celles-ci s’entremêlent – et c’est ce qui nous intéresse. Le fait que certain viennent d’abord de la musique, et qu’ils soient arrivés au dessin ou la peinture pour illustrer leur musique (comme Arrington de Dionyso), où inversement que d’autres aient débuté comme plasticiens pour développer ensuite un rapport étroit à la musique, que ce soit par le biais de la performance (comme Jean-Luc Verna), par un groupe (comme Fanny Mickaëlis ou Mathieu Weiler), ou de l’expérimentation sonore (comme Rainier Lericolais ou David Shrigley).

Nous avons justement cherché à ce qu’il n’y ait pas réellement de famille de style – nous changeons radicalement d’univers en passant de Julien Langendorff (collage contemporain), à Tetsunori Tawaraya (fanzine alternatif), à Jim Sanders (brut), Sindre Foss Skancke (imagerie black metal) puis Rainier Lericolais (esthétique minimale).

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© Rainier Lericolais

Pour les artistes que vous exposez, le dessin et/ou la peinture ne sont-ils que des pratiques parmi d’autres, comme un flux de gestes continus mais de natures différentes ?

Pour la majeure partie des artistes participants, le dessin ou la peinture est une pratique importante voire centrale, en équilibre ou complément d’une pratique musicale. Cela a justement été un critère de sélection – il y a quelque chose de très intime dans la pratique du dessin et de la musique que ces artistes développent par passion. Sauf peut-être Rainier Lericolais qui utilise dans ses œuvres de nombreux mediums et Jean-Luc Verna qui développe son art à travers divers médias entre installations, photos et vidéo tout en restant fidèle au dessin.

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© Fanny Michaelis

« La poésie doit être fait par tous. Non pas un. » L’esprit de Lautréamont souffle-t-il sur Topographie de l’art ?

Cela pourrait en effet être un très beau sous-titre !

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© Jean-Luc-Verna

 

Y a-t-il dans cette exposition une volonté de faire tomber la fausse antinomie entre art savant et art populaire ?

C’est une des intentions de cette exposition. Elle a été très bien introduite par  Jérôme Lefèvre dans le texte qu’il a écrit avec en ouverture la citation de Didi-Huberman « La puissance d’une image n’est pas proportionnelle à son inscription dans le registre des beaux-arts ». L’art contemporain continu à opposer certaines pratiques du dessin qui se construit en dehors des références classiques ou modernes de l’histoire de l’art, et de nombreux artistes qui s’attachent aux formes populaires du dessin souffrent encore d’une marginalisation.

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© David Shrigley

Etes-vous vous-mêmes issus de la culture rock et des performances ?

La culture musicale et plastique alternative a été centrale dans nos deux parcours de vie, c’est pour cela que nous cherchons à la transmettre aujourd’hui à travers nos propositions en tant que commissaires d’expositions, notre travail plastique et notre micro label dédié à l’édition de disques vinyles.

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© Mathieu Weiler

Propos recueillis par Fabien Ribery

Exposition Bruit Blanc, commissariat Clara Djian & Nicolas Leto, Topographie de l’art (Paris) – du 21 avril au 16 juin 2018 ; catalogue éponyme disponible, texte de Jérôme Lefèvre

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vue d’exposition

Artistes exposés :

  • Jean-Louis Costes
  • Arrington de Dionyso
  • Julien Langendorff
  • Rainier Lericolais
  • Fanny Michaëlis
  • Xavier Mussat
  • Jim Sanders
  • David Shrigley
  • Sindre Foss Skancke
  • Tetsunori Tawaraya
  • Jean-Luc Verna
  • Mathieu Weiler
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vue d’exposition

Découvrir Topographie de l’art

 

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