L’hyperlieu du capitalocène, Dubaï, par le photographe Nick Hannes

Beach Club Blue Marlin Ibiza
© Nick Hannes

Dans l’empire du faux mondialisé, Dubaï fait sans nul doute figure de laboratoire exemplaire.

Fruit d’une enquête de plusieurs années, Garden of delight du photographe anversois Nick Hannes en montre, sans avoir besoin d’en appuyer la critique, à la fois toute l’absurdité et la monstruosité.

Dans cette ville des Emirats arabes unis, il semble que la publicité et l’hyper-capitalisme bling-bling aient dévoré l’ensemble des espaces, qu’ils soient publics ou privés.

Oasis Mall
© Nick Hannes

Construisant son image de future première destination touristique du monde, Dubaï a fait du mauvais goût un critère de réussite.

En ces territoires du sourire obligatoire et de l’ultra-sécurité, la laideur et la vulgarité sont les signes d’un capitalisme totalement décomplexé.

Il faut s’amuser, profiter du soleil, aller danser, dépenser sans compter.

Global Village Dubai
© Nick Hannes

La tyrannie de l’Entertainment rapporte des milliards de dollars aux nouveaux petits princes du désert.

Le travail de Nick Hannes, dont on devine l’acharnement à obtenir les autorisations pour pénétrer des lieux soustraits d’habitude au regard de tous, est remarquable, qui documente une réalité construire comme un spectacle permanent.

Dubaï bâtit des enclos et les sécurise pour le bien-être de ses consommateurs, petits employés surmenés du vide, dépossédés d’eux-mêmes par les processus de travail abrutissants et de décérébration dominants auxquels ils se soumettent le restant de l’année.

Green Planet
© Nick Hannes

Dubaï, c’est Walt Disney dans le désert persique, « l’hyperlieu du capitalocène » (Pascal Beausse).

Dubaï est un monstre de couleurs avalant les corps et les résistances possibles pour les digérer en petits amas de sourires plaqués or affalés dans les fauteuils en cuir d’un club privé très chic.

Garden of delight est ainsi un ouvrage de pure surface, faisant du papier glacé le miroir de toutes les vanités.

Ski Dubai
© Nick Hannes

L’absurde et la comédie des apparences y règnent en maîtres.

La folie rôde, le champagne coule, les corps bronzent, les esprits fondent.

Territoire de la falsification permanente, où il n’est pas même certain, pour reprendre Guy Debord, que le vrai soit encore un moment du faux, Dubaï bâtit un immense décor en ayant l’obsession d’y éliminer les rapports de force ou les conflits.

Voici la vie devenue un pur écran de télévision plasma.

Billionaire Mansion
© Nick Hannes

Dans les boîtes de nuit, l’obscénité est un atout : robes longues transparentes ou jupes courtes laissant apparaître les culottes, hauts talons, rouges à lèvre soigneusement choisis, seins gonflés jusqu’à l’éclatement, attirant la convoitise des mâles dansant autour des petites putains une bouteille d’alcool fort à la main.

La pauvreté n’existe pas, l’impuissance n’existe pas, le doute n’existe pas.

Seik Mohammed bin Rashid Al Maktoum, Vice President and Prime Minister of the UAE and Ruler of Dubai : « Competition always makes you stronger and better. It is feared only by the weak. »

Monte dans le ciel un faucon qui bientôt crèvera les yeux des touristes envoûtés, et des compétiteurs de luxe.

Tiens, c’est l’heure de la prière.

GARDEN OF DELIGHT COVER - copie

Nick Hannes, Garden of delight, texte de Pascal Beausse, André Frère Editions, 2018, 188 pages

André Frère Editions

Site de Nick Hannes

Al Qudra desert
© Nick Hannes

Dans le numéro 15 (printemps/été 2018) de la revue 6 Mois consacré aux « Villes folles », un portfolio est offert à Nick Hannes

Site de la revue 6 Mois

 

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