
Depuis le milieu des années 1990, la photographe nord-irlandaise Hannah Starkey consacre la part essentielle de son travail à la représentation des femmes, ce dont témoigne le catalogue raisonné Photographs 1997-2017 publié par les éditions londoniennes MACK.
L’enjeu n’est pas de discourir de façon savante, mais de montrer des femmes de tous âges et de tous milieux dans des situations quotidiennes, dans un train de banlieue, dans un night-club, dans la rue, dans un café, dans un musée.


Pour chaque image, le format est identique : égalité de principe.
Hannah Starkey explore les diverses facettes de la condition féminine, qu’il s’agisse de celle d’une adolescente de Belfast ou d’une femme marchant à Londres pour la revendication de ses droits.
La construction de l’identité féminine est ici approchée en de multiples situations, entre vérité des miroirs, volonté de ne pas se laisser piéger par les stéréotypes, ou choix de la mettre en scène dans le grand jeu des apparences sociales.

Hannah Starkey s’intéresse aux anonymes, aux femmes ordinaires, magnifiant par son travail leur destin inaperçu.
Ses compositions les inscrivent dans des cadres qu’elles attirent à eux, comme on s’habille d’un drap de théâtre tombé des cintres.
Il y a beaucoup de subtilité dans ses constructions, des échos de couleurs, de formes, de tonalités.


Les portraits sont généralement fixes, toujours pudiques, inséparables de leur environnement immédiat.
Il y a dans les territoires photographiques de l’artiste beaucoup de reflets, de doubles, de parois de verre.
Rien ne se donne immédiatement là où l’émotion passe d’abord par quelques instants de réflexion.

Hannah Starkey, ce n’est pas tout à fait de la photographie de rue ou de la photographie documentaire, c’est un entre-deux propice au doute, propice à l’art qui est ici polyphonie dans l’unité.
De ces pages se lève un grand silence intérieur, une diffraction d’un moi mélancolique et très contemplatif en chaque corps et visage de femme.
Voir, se voir, être vue.


Paraître soi, paraître autre, disparaître dans le décor de sa vie.
Soin d’un chignon, soin d’une chaussure à talon haut, soin d’un rouge à lèvre, soin d’un maillot de bain, soin d’un déshabillé d’intérieur, soin de bijoux, soin d’une coiffure.
Les femmes qu’Hannah Starkey photographie sont lointaines, perdues en leurs rêveries, ensemble loin des hommes, ou attendant l’instant d’être dévoilées.
Ce sont des continents secrets, des petites planètes autour desquelles tourner sans fin.
Hannah Starkey, Photographs 1997-2017, texte de Charlotte Cotton, entretien entre Hannah Starkey et Liz Jobey, MACK (London), 2018
Magnifique
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