De la Russie soviétique à travers les siècles, par Dmitri Markov, photographe

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© Dmitri Markov

Cut Off est le résultat d’un dialogue entre le photographe Dmitri Markov et le compositeur Aries Mond initié par la maison d’édition IIKKI entre octobre 2017 et décembre 2018.

De cet échange sont nés deux objets autonomes, un disque (vinyle/cd) et un livre, que l’on peut prendre ensemble ou séparément.

Les réseaux officiels/officieux annoncent plus de 200 000 followers sur le compte Instagram de Dmitri Markov, trente-cinq ans, et nouvelle coqueluche de la photographie russe.

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© Dmitri Markov

Premier Russe choisi par Apple pour sa campagne publicitaire Pris avec un iPhone, l’artiste photographie abondamment sa ville de Pskov, dans l’est du pays, à la frontière de l’Estonie.

La vie y est âpre, sans luxe, simple, populaire.

On peut regarder ses images comme un ensemble de documents de nature sociale, mais aussi comme un travail poétique à partir du trivial ou de situations quotidiennes savoureuses.

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© Dmitri Markov

La Russie soviétique n’en finit pas de ne pas s’achever, elle est vintage, violente et drôle.

Dmitri Markov saisit des scènes, les assemble à la façon d’une mosaïque, suspend le temps pour en faire ressentir la substance.

Ce sont des personnages isolés, des duos, des petits groupes, des animaux.

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© Dmitri Markov

Sous son regard, la ville est une vaste scène de théâtre où des figurants de l’Histoire occupent soudain la première place.

Si la pesanteur de la misère sociale y est bien réelle, l’artiste s’emploie souvent à saisir des instants d’apesanteur, des sauts, des pirouettes, des jeux de dépassement des limites géophysiques.

Marcher, observer, se rendre disponible pour être là au bon moment, quand des enfants se pendent à la branche d’un arbre, qu’un homme accroupi sur un ponton se lave le visage dans l’eau de la rivière et qu’un vieil homme conduit à la baguette une truie écrasant la neige de son poids de bête allant bientôt mettre bas.

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© Dmitri Markov

Des couleurs uniformes d’un territoire entrant à petits pas dans la vulgarité polychrome de la mondialisation se lèvent quelques points attirant à eux le paysage : une poussette verte, un tablier bleu marine, une combinaison rose.

Ici, parmi les chiens errants, on boit beaucoup, on s’ennuie beaucoup, on attend beaucoup, on s’inquiète beaucoup, jusqu’à ce que soudain la nostalgie se change en fantaisie, en embrassades ou musiques, Dmitri Markov photographiant son peuple avec une grande tendresse.

Il y a de la fraternité et des êtres abandonnés, un sentiment d’anachronisme et des signes ténus de modernité, la persistance de la ruralité en plein centre-ville.

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© Dmitri Markov

Des soldats regardent une jeune fille aux jambes nues. Aujourd’hui, la Gradiva est russe.

Les visages sont taillés au couteau, les tatouages font montre de virilité, l’amour est nu.

Des petites mémés font leurs courses. Elles sont minuscules, ce sont des personnages d’un conte merveilleux.

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© Dmitri Markov

Le succès de Dmitri Markov est justifié, qui observe les siens, quelles que soient les générations, sans condescendance, avec beaucoup d’empathie et de sens du cadrage.

Un chat fixe le spectateur à l’orée de son livre français, que conclut une vache regardant l’objectif.

Appelons cela l’humour russe.

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Dmitri Markov, Cut off, IIKKI, 2019 – 500 exemplaires numérotés

IIKKI books

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